[ˈɑːftə ˈeɪt] (marq. dép. ANGLICH.)
La petite gâterie est toujours un reflet de son époque. Dans les années surannées, elle est particulièrement sophistiquée et fait couler sur la langue une crème doucereuse et parfumée. Les gourmands et les gourmandes en raffolent quand d’autres ne conçoivent que dégoût à l’idée de mettre la chose en bouche.
Depuis 1962, After Eight, c’est son nom, est le plaisir sucré d’un après-midi pluvieux ou d’une soirée cheminée, c’est à dire d’un instant bien loin d’une liesse apéritive ou d’une sauterie improvisée du genre t-shirt mouillé : un moment anglais en quelque sorte que seule la folie toute mesurée d’un accord chocolat noir-crème de menthe peut venir titiller.
En un carré de huit grammes et trente six calories, l’After Eight propose le mélange iconoclaste inventé trois siècles plus tôt en 1662 par Rowntree Mackintosh’s, vraisemblablement pour faire avouer les sorcières de Bury St. Edmunds, Rose Cullender et Amy Denny¹, lors de leur procès. Il est en effet peu probable que quiconque ait pu envisager de mixer du chocolat et de la menthe pour les déguster avec plaisir, mais ceci est une autre histoire et non celle que l’on raconte aux Français en 1971, date de commercialisation d’After Eight sur leur marché.
Plutôt portés sur le café consolé, mais finalement séduits grâce à l’efficace machine mercatique mise en branle pour leur refourguer les fourrés mentholés, les Dupont et Durand se mettront à l’After Eight sans aller jusqu’à respecter leur dénomination qui voudrait qu’on ne les consomme qu’après vingt heures. Il faut dire qu’en dehors de John is in the kitchen, le Français n’est alors guère porté sur l’angliche.
C‘est précisément le développement de l’apprentissage de la langue de Shakespeare dans notre beau pays qui condamnera After Eight à virer suranné. Le ridicule du nom, Après Huit, explose à la face d’un peuple moderne et consterné de s’être fait berner pendant tant d’années².
Il s’en faudra de peu pour qu’un nouvel épisode de cette guerre débutée en 1337 (et jamais réellement terminée) ne voit le jour. Les Anglais conserveront After Eight comme une expression de leur tradition, les Français l’enfouiront en surannéité, symbole de deux visions du monde inconciliables.