[aɡasé le supréfè] (loc. verb. HAUT-FONCT.)
Les rédacteurs du décret no 64-260 du 14 mars 1964 portant statut des sous-préfets n’ont pas pensé à tout.
Pourtant les vingt neuf articles ont été rédigés sur le rapport du Premier ministre, du ministre d’État chargé de la réforme administrative, du ministre de l’intérieur, du ministre des finances et des affaires économiques et du secrétaire d’État au budget.
Du beau linge et des têtes bien faites, certes, qui ont pensé recrutement, avancement et tout le toutim, mais certainement pas des spécialistes en gaudriole ayant envisagé que l’agacement de leur haut fonctionnaire de sous-préfecture puisse avoir un lien avec l’autophilie.
Agacer le sous-préfet est en effet l’expression d’une pratique réputée dangereuse pour l’ouïe et pour le salut de l’âme. Oui, le tripotage des zones érogènes qui débute au stade phallique (entre trois et sept ans) s’est donc trouvé une image de similarité dans le courroux du plus haut représentant de l’État à Castellane (1541 habitants, la plus petite sous-préfecture de France) ou à Reims (183 042 habitants, la plus grande sous-préfecture de France). On se demande parfois où les créateurs du langage suranné ont pu aller chercher tout ça…
Quel rapport y-a-t’il entre s’astiquer les cuivres façon Grand Hôtel, se tripoter la nouille et se polir le Chinois dont le sens est évident, et agacer le sous-préfet qui en viendrait presque à manquer de respect à la République française ?
Que vient donc faire sur ce terrain institutionnel Popaul en veston croisé avec pattes d’épaules brodées, parements de manches brodés amovibles et casquette enguirlandée de feuilles de chênes et de feuilles d’olivier ?
Il est en réalité impossible de démêler le vrai du faux entre une haute administration à qui l’on reproche facilement de ne rien branler, et l’onanisme dont l’expression agacer le sous-préfet souligne finalement l’activité intense dans les quelque deux cent trente trois sous-préfectures de France.
Un important travail d’investigation mené par un comité Théodule ad hoc passant par Aubusson (Creuse), Sarlat-la-Canéda (Dordogne), Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), Pithiviers (Loiret), Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre) et quelques autres villes de sous-préfecture conclura à la nécessité de faire cesser l’ambiguïté autoérotique.
En 1982 le sous-préfet devient donc un Commissaire adjoint de la République. Tout en maîtrise, il ne s’énerve plus et représente l’État avec contrôle et pondération. Le titre redeviendra bien celui de sous-préfet en 1999 mais agacer le sous-préfet sera devenu suranné entre temps.
L’honneur de celui qui veille à l’application des textes législatifs et réglementaires et à la mise en œuvre des directives du gouvernement est sauf.
Vive la République, vive la France (et non à la paluche).