Alphonse n'est pas un prénom comme les autres. Dans les temps surannés il est en effet synonyme de gigolo.
[alfôs] (prén. GIGO.)
La langue surannée a plus d’une fois vu le jour sur les grands boulevards, haut lieu déambulatoire pour titis, grisettes et bourgeois en ces temps où le pavé se bat pour le paraître, croiser l’âme sœur ou glaner quelques sous.C’est le 26 novembre 1873, au niveau du 38 boulevard Bonne-Nouvelle, qu’Alphonse se fait connaître du public, tout droit sorti de l’imagination d’Alexandre Dumas fils qui fait donner au théâtre du Gymnase représentation en trois actes des aventures de Monsieur Alphonse, séducteur pour dames cédant ses charmes à la plus offrante.
La pièce remporte un tel succès que le nom du bellâtre devient synonyme de gigolo en deux temps trois mouvements.
Et de traiter d’Alphonse tous les hommes prêts au sacrifice éphémère de leur jeunesse pour vivre sans travailler autrement qu’en caressant le chihuahua de madame ou en en usant du sien façon tirelipimpon.
Crise des années Trente aidant, l’Alphonse va pulluler et l’appellation ainsi se tailler la part du lion dans le jargon de l’amour tarifé où giton et greluchon régnaient jusqu’alors. Pendant masculin de la grande horizontale, l’Alphonse virevolte de salon en boudoir et monnaye ses atouts tant qu’il est à la mode (ce qui ne durera pas, mais ceci est une autre histoire).
Notons que certains prétendent qu’il est à l’origine du suivez-moi-jeune-homme de l’art chapelier mais aucune étude sérieuse n’a à ce jour confirmé cette filiation néanmoins plausible.
[su_pullquote]🎶Oh, I’m just a gigoloThat everybody knows
The people know the part I’m playing
You paid for every dance
Selling each romance
Every night from heart betraying
Now there will come a day
Youth will pave away
Then what will it be about me, baby?[/su_pullquote]
Le remplacement progressif de l’intérêt porté au théâtre de boulevard, à ses portes qui claquent et à ses amants dans le placard, par une fascination moderne à contempler sur petit écran les aventures insipides et claquemurées d’anonymes n’entendant pas le rester, va soudainement rendre Alphonse totalement désuet.
Devenu simple prénom sans référence concupiscente, Alphonse sombrera peu à peu dans l’oubli.
En 1976 il n’est confié qu’à sept nouveaux nés : mal côté à l’argus il fait disparaître l’amant appointé, au grand dam de ces dames.