[aèspétété] (sig. P&T)
Mens sana in corpore sano répètaient jusqu’à plus soif les sages des temps sentencieux qui gravaient dans le marbre leurs maximes solennelles¹. Et si pour l’esprit sain il y a l’école et ses barbacoles, force est de constater que le corps n’y est guère cultivé (à tel point que « L’essentiel c’est de participer » deviendra la maxime du sport français, mais ceci est une autre histoire).
Donc, pour servir l’adage, en 1897, des facteurs décident de pratiquer le cyclisme en dehors de leur tournée faisant pourtant largement appel à l’utilisation de la petite reine. Autrement dit, ils emportent du boulot à la maison (mais ceci est après tout encore une autre histoire).
Les postiers créent l’Association Sportive des Postes, Télégraphes et Téléphones, abrégée rapidement en ASPTT, qui deviendra le club omnisport phare des années surannées, allant jusqu’à démontrer sa puissance en inscrivant fièrement ses cinq lettres dans le dos de survêtements en nylon aux couleurs chatoyantes permettant de repérer un sportif à plus de quatre cents mètres par une nuit sans lune. Ce qui est bien pratique, convenez-en.
Comme le facteur a le jarret souple et le mollet musclé (puisqu’il fait sa tournée en vélo) l’ASPTT se fait rapidement remarquer dans le moindre tour cycliste du quartier et son aura à pédales attire les pratiquants d’autres sports désireux d’endosser le désormais prestigieux sigle sportivo-administratif (et les valeurs du corps et de l’esprit sains). Le survêt en nylon arborant ASPTT devient un must.
En 1908, quatre ASPTT (Paris, Bordeaux, Marseille et Lyon) pratiquent cyclisme, football et rugby. Soixante ans plus tard, qui n’est pas à l’ASPTT n’est pas sportif. C’est ainsi.
De Nantes à Nice, de Strasbourg à Toulon, de Casablanca à Aix-en-provence, ce n’est que gloire à l’ASPTT dans les critériums, championnats, jubilés, compétitions départementales, et les coupes clinquantes s’entassent sur les étagères des vestiaires Algeco® qui sentent l’effort et le corpore sano. Les photographies des gloires ASPTTiènes s’encadrent sur les murs avec, toujours, le survêtement nylon.
Le 11 mai 2017, le tribunal de grand instance de Paris décide, drapé dans son hermine peu sportive, qu’ASPTT sera liquidée, désormais surannée.
Trop affairé à s’essouffler dans des usines à mouillure extraite au rythme de 200 BPM d’où le survêtement en nylon est banni, le moderne looké Nike ne comprend pas que c’en est fini du mens sana et qu’on se fiche bien de son corpore sano².
O tempora, o mores.