[astiko de sèrkëj] (calemb. BIÈR.)
Le moindre corps constitué porté sur la picole, la plus petite association promouvant la consommation de houblon brassé, le plus fermé des cercles où les membres peuvent en toute discrétion s’en jeter un ou plusieurs derrière la cravate, revendiquent haut et fort l’expression étudiée en ces lignes.
Partagé par tous les buveurs de bière de langue française (ce qui fait du beau monde puisqu’une bonne partie de nos voisins Belges l’interprète avec bonheur et accent), l’asticot de cercueil représente en effet l’objet de cette passion de la blonde, de la brune, de la blanche : le verre de bière¹
Forme calembouresque de premier choix, l’asticot de cercueil est à l’humour de zinc ce que les sanglots longs de violons de l’automne sont au guerrier : un message d’action, une annonce de jour J.
Quand la commande hélée à René (au Balto) est celle d’asticots de cercueil c’est qu’on a dépassé la première tournée qui, elle, s’était contenté de quérir des demis.
Avec la larve nécrophile on a franchit un cap : on est en zone à l’alcool gai. Grisé par les effets toujours affriolants d’une blonde, le tégestophile qui outre les sous-bocks, les étiquettes et les capsules, collectionne aussi les expressions liées à sa passion, va placer asticot de cercueil en lieu et place de pinte, chopine ou même canette, synonymes efficaces mais sans grand relief. C’est son heure de gloire.
Pendant cette période de plusieurs siècles où l’estaminet est le centre de la vie sociale, plus d’un gamin se verra rhabillé à l’asticot de cercueil, démultipliant ainsi la popularité d’une locution dont la raison profonde d’être est de faire la nique à la camarde (mais le buveur est trop pudique pour en parler).
Ainsi, pied-de-nez-isant la faucheuse, l’asticot de cercueil va déverser dans les gosiers en pente suffisamment de brune pour oublier les blondes et vice versa.
Peu porté sur le jeu de mot de cujus, le moderne qui n’aime rien plus que consommer avec modération va réserver l’asticot à la pêche et le bannir du bistrot.
Asticot de cercueil est envoyé six pieds sous terre, là où reposent les vieux trucs désuets, et la pression finit par mousser dans des verres de plastique parce que c’est plus pratique.
Certes c’est une autre histoire, mais c’est triste.