[atrapé la fèv] (gr. verb. PÂTISS.)
Or, myrrhe et encens à foison dans les bagages de Gaspard, Melchior et Balthazar, rois mages venus visiter un marmot nouveau né, se transformèrent au XVIIIᵉ siècle en petit Jésus de porcelaine glissé dans une galette, puis en bonnet phrygien de même matière, et enfin en tout en n’importe quoi de plastique, générant une passion fabophile sur laquelle se pencheront probablement les savants des temps futurs (mais ceci est une autre histoire).Toujours est-il que depuis, il est de tradition – autant païenne que religieuse – de partager une galette dite des rois, et de célébrer celle ou celui qui aura la chance d’attraper la fève.
Oui c’est une chance qui s’offre au moderne élu par le hasard, car s’il se causait encore suranné par ici ce sont des bourre-pifs qu’il dégusterait : attraper la fève signifie avant tout prendre des coups à la place d’un autre !
L’injustice du sort et l’ironie caractéristique de la langue des faubourgs se conjuguent dans le fataliste attraper la fève qui fait ainsi passer une mornifle pour un présent. Plaisir d’offrir, joie de recevoir dites-vous ? Drôle de destin quoi qu’il en soit.
Parce qu’on ne peut pas tout régler à la baston (et parce que le duel à six heures au pré clair se verra interdit), attraper la fève se fera synonyme de payer l’addition pour autrui, en espèces sonnantes et trébuchantes cette fois. Au lieu de devenir roi, celui qui attrape la fève se mue en pigeon en charge de casquer pour les autres.
Un tel sarcasme épiphanique taquinant l’innocence ne pouvait donc durer dans une république faisant de l’égalité l’un de ses trois principes fondateurs. Nul désormais ne saurait attraper la fève, devenu suranné par la force des choses (si l’on ose dire), mais tout au plus subira-t-il d’apathiques dommages collatéraux.
La langue de bois ça ne fait pas moins mal mais c’est plus pudique.