[avalé sô pusê] (loc. gall. ANPE).
On se fait généralement engueuler comme du poisson pourri avant d’avaler son poussin, expression dont la construction laisse présager un triste sort pour la bestiole à plume (qui plus est sans préciser si elle était encore vivante au moment de l’ingurgitation). D’où une certaine surprise à l’usage.
Pour autant, il n’est pas question de faire passer à la broche ou au pot comme l’aimait Henri IV, le gallinacé nouveau né : avec avaler son poussin il serait plutôt question de se préparer à se serrer la ceinture qu’à déguster un repas.
Avaler son poussin signifie en effet se faire renvoyer de son travail, inaugurant ainsi une période de vaches maigres tant la denrée est rare (hors Trente Glorieuses arrogantes où n’importe quel tire-au-flanc retrouvait du boulot dans l’instant).
Selon les chercheurs, avaler son poussin proviendrait du monde sifflotant des peintres en bâtiment, ripolineurs de façades égayant leur tâche monotone de sonorités pouvant évoquer les piaillements de l’animal de basse-cour, le badigeonneur sur façade cessant illico son interprétation personnelle du Chœur des esclaves ou du Port d’Amsterdam quand il est congédié pour s’être laissé à mettre du jaune là où il fallait peindre en blanc.
Extension du domaine du chômage oblige, l’expression va quitter le seul petit monde de la barbouille murale pour s’appliquer à toute forme de licenciement sur-le-champ pour cause de plan de sauvegarde de l’emploi, délocalisation continentale, restructuration de l’activité, redéploiement de l’outil de production, etc.
Des cinq cent mille poussins avalés vers la fin des années surannées on passera à plusieurs millions de petits poulets duveteux gobés dans les années modernes. Beaucoup trop pour que l’expression puisse continuer à y vivre sereinement.
En 1984, alors que le taux de chômage en France passe pour la première fois à deux chiffres (10,2%), Radio Nostalgie, la radio des peintres en bâtiments, prend le relai des mélodieux sifflements accompagnant les travaux de ravalement, condamnant ainsi avaler son poussin à devenir désuète. La machine programmée remplace l’homme spontané.
Riri, Polo et Lino, les trois peintres en canotier et blouse peignant à la queue-leu-leu pour vanter les qualités de la Maison Ripolin, et tous leurs confrères d’échafaudages la mettent en veilleuse et doivent désormais se contenter des standards de la chanson des années surannées (1930-1980) pour ce qui est du fond sonore.
Ne piaillant plus il ne peuvent plus avaler leur poussin quand un gros emplumé les met à la porte en musique et leur enjoint d’emporter avec eux leurs cliques, leurs claques, leurs pinceaux et rouleaux et cette expression qui n’a rien à faire par ici¹.