[avwar by lo dé nuj] (exp. pasta. CUIS.)
Cuisinées principalement à base d’eau bouillante et d’une pincée de sel, les nouilles constituent un plat aisé à préparer, fournisseur d’énergie et agréable à déguster.
Elles et elles seules peuvent être consommées, bien que de nombreux trucs de grands-mères circulent sur le pouvoir de l’eau des nouilles embellisseuse de cheveux, guérisseuse de jambes lourdes, désherbant naturel, et autres astuces placebo dont nous ne pouvons qu’affirmer qu’elles sont vraisemblablement la raison de l’expression peu flatteuse avoir bu l’eau des nouilles.
Il a bu l’eau des nouilles est un doux euphémisme culinaire désignant le benêt, le neuneu, l’idiot du village (quand il n’était pas encore enfermé), seul capable de déguster le bouillon amidonné (ou de s’en badigeonner pour être plus séduisant) et de jeter les farfalle, les spaghetti, les tagliatelle ou les fusilli.
Notons cependant la certaine bienveillance que dégage avoir bu l’eau des nouilles, précisément grâce à cette utilisation de nouilles que l’on retrouve dans « être nounouille », autre description de l’absence de malice. Avoir bu l’eau des pâtes serait nettement plus violent.
Le mode de cuisson al dente qui s’effectue dans l’eau bouillante selon la proportion d’un litre pour cent grammes de nouilles renforcera l’idée de naïveté profonde liée à avoir bu l’eau des nouilles, la consommation de liquides en ébullition étant très largement passée de mode depuis l’abolition de l’Inquisition (au début du XIXᵉ siècle tout de même, mais ceci est une autre histoire).
En 1980 débarque sans crier gare une terrible préparation culinaire qui emprunte son nom à un petit village du centre de la Pologne (sans que l’on puisse l’expliquer, mais les voies de la mercatique sont impénétrables) : Bolino de Maggi®, filiale d’un géant suisse de l’industrie agroalimentaire. Avec Bolino de Maggi®, le consommateur de pâtes se met à boire l’eau des nouilles puisqu’elle vient donner une consistance ingurgitable à un amas lyophilisé de ce que le gourmet aurait pu prendre pour des asticots séchés ou de la bile vomie.
Le succès remporté par la mixture rappelant les plats les plus mal préparés de la cantoche scolaire contribuera très largement à rendre surannée l’expression avoir bu l’eau des nouilles, celle-ci perdant son sens sauf à considérer que tous les acheteurs qui feront le succès de Bolino étaient simplets puisque tous buvaient l’eau des nouilles avec délectation. Ce que nous ne saurions faire.
Réduite en bouillie par l’art culinaire moderne et ses tenants cotés au SIX Swiss Exchange, avoir bu l’eau des nouilles n’évoquera plus le gentil bêta qui deviendra pour le langage un gros con comme les autres, tout simplement.