[avwar de lavâs o ɡato] (loc. pâtis. DENT.)
Conjuguer délicatesse de la formule et efficacité de l’image est une prouesse que seule la langue surannée et ses expressions peuvent proposer.
Et ces qualités sont d’autant plus nécessaires quand il s’agit de souligner un trait physique dont les moqueurs sans scrupules auraient quant à eux tôt fait de rire; les vilains.
Avoir de l’avance au gâteau abrite une considération sur la dentition de la personne à laquelle elle est destinée, la plupart du temps sous la forme d’un commentaire à voix modérée.
Oh mama mia, mama mia, mama mia let me go
Beelzebub has a devil put aside for me, for me, for me!
Soulignant un décalage malencontreux des mâchoires, celle du haut prenant justement de l’avance sur sa collègue du rez-de-chaussée (l’inverse est aussi possible), avoir de l’avance au gâteau peut être la conséquence de la succion répétée du pouce ou d’une hérédité fâcheuse.
Le sourire qui en découle s’ouvre sur un râtelier mal rangé qui peut dès lors passer, à tort, pour un manquement aux règles élémentaires de l’hygiène bucco-dentaire voire pour une agressivité animale tous crocs dehors.
Il n’en est rien.
Le propriétaire des ratiches saillantes montre les dents bien malgré lui. On peut avoir de l’avance au gâteau et être d’une politesse et d’une gentillesse exquises (attraper une part de gâteau avant les autres suppose en effet qu’on ait fait fi des bonnes manières). Notons aussi certains cas exceptionnels d’avance au gâteau qui donneront un tessiture unique et le talent pour la porter comme par exemple celui de Farrokh Bulsara, dit Freddie Mercury¹, qui n’était pas le dernier quand il s’agissait de s’empiffrer d’une part de kouign amann.
En ces années surannées où la petite souris est la plus grande sommité en matière d’orthodontie et de traitement de la rétrognathie (loin devant l’arracheur de dents qui est, comme chacun sait, un fieffé menteur avant tout), avoir de l’avance au gâteau est donc d’un usage courant.
Elle étouffe avec tact son synonyme de cours de récré, « dents de lapin », et autorise ce faisant les plus dentalement avancés à trouver leur place dans la hiérarchie de la plastique où s’illustre déjà le Coco-bel-œil.
Une ambiance bien différente de celle de la modernité dans laquelle le laid trépasse.
Impossible désormais d’avoir de l’avance au gâteau : trop peu Instagrammable² comme il se dit pour dépeindre ce qui ne peut s’afficher dans la sphère sociale pour cause de disgrâce anatomique.
Avoir de l’avance au gâteau n’a plus droit à sa part du langage. Elle est totalement surannée.