[avwar déz- ö su lé bra] (exp. gall. FLEM.)
L‘économie du geste et le port particulier des manchons encombrants qui lui servent de bras caractérisent le glandeur des années surannées, à tel point que son attitude unique fait l’objet d’une expression réservée : avoir des œufs sous les bras.
En la fabriquant ainsi, la langue s’est voulue descriptive de la pose hagarde et précautionneuse qui signale à cent mètres le fainéant du mouvement : épaules serrées, coudes au corps, mains jointes l’empêchent. Il est comme s’il avait des œufs sous les bras, des œufs si précieux qu’il ne faudrait pas les briser en levant ces bras pour agir.
Comme dans son synonyme avoir les côtes en long, c’est au corps que s’en prend l’admonestation populaire destinée au flemmard : une pudeur qui l’honore puisque chacun sait déjà que c’est son esprit qui l’entrave et non la longueur de ses bras ou de quelque autre appendice préhensile. Mais viser la tête reviendrait à le vouer aux gémonies, ce que ne saurait faire cette langue réprimandeuse mais jamais fourchue.
Malgré tout, notons que celui qui a des œufs sous les bras est parfois aussi chargé d’avoir de l’eau dans la tête, ce qui est un bon départ pour faire une pâte à tarte mais pas pour travailler (et ce qui est surtout une autre histoire). Pour autant, l’appellation « nouilles d’Alsace aux œufs » ne désigne pas un groupe de Schilikois¹ bas de plafond et fainéants de surcroit. Autant d’usages différents qui ne manquent pas de brouiller un peu plus ces œufs et leur sens imagé.
Avoir des œufs sous les bras deviendra pour cette raison une expression compliquée à utiliser.
Elle disparaîtra totalement du paysage lorsque l’oisiveté sera bannie des contenances de l’homme moderne, dit start-uper, volontaire dans l’effort et toujours en action. Pour lui qui brasse beaucoup d’air pour démontrer précisément son implication dans l’agitation de son époque², impossible d’avoir des œufs sous les bras : ils se briseraient bien vite.