
Fig. A. Avoir du chien et avoir un chien.
[avwaʁ dy ʃjɛ̃] (LOC. DESUET. SEXY.)
Avoir du chien est l’une de ces expressions dont le sens ne se dévoile pas immédiatement, surtout lorsqu’on sait que l’animal qu’elle inclut n’a rien à voir avec l’un de nos 50 millions d’amis. Et ce n’est pas plus mal compte tenu de l’odeur de certains d’entre eux après une balade pluvieuse, mais ceci est une autre histoire.
Dans le langage désuet, avoir du chien signifie posséder un charme naturel et un sex-appeal subtil, un mélange d’insolence élégante et d’attirance instinctive.
Celui ou celle qui a du chien captive sans effort apparent, dégage une aura magnétique, et n’a besoin ni d’artifices ni de tenues provocantes pour séduire son entourage. La beauté, ici, n’est pas nécessairement conventionnelle : on peut très bien avoir du chien avec un nez aquilin, des cheveux rebelles ou une coquetterie dans le regard. C’est justement ce petit défaut charmant qui fait la différence. On peut aussi avoir du chien en ayant un clebs qui sent le chien, c’est dire !
L’origine d’avoir du chien est à chercher du côté de l’aristocratie et des salons bourgeois du XVIIIᵉ siècle, où la distinction était affaire de naturel et d’attitude. Si le chat représentait une grâce nonchalante, le chien incarnait l’énergie séduisante, cette vivacité pétillante qui attire le regard et intrigue durablement.
Inutile d’aller chercher la baballe pour avoir du chien
Contrairement aux qualités purement physiques, avoir du chien implique une personnalité : un esprit vif, une répartie mordante, et une confiance en soi désarmante. Dans les temps surannés, on disait volontiers d’une jeune femme au caractère bien trempé ou d’un homme élégamment provocateur qu’il ou elle avait « sacrément du chien ». Cette expression fut même à la mode durant les années folles, où l’audace primait sur la conformité (on ne poussait pas jusqu’à avoir du chien fou mais l’esprit était là). Paradoxalement il ne faut pas donner la papatte ou courir chercher la baballe pour avoir du chien; ce serait même le contraire.
Aujourd’hui, cette tournure charmante semble avoir perdu du terrain face à des qualificatifs plus crus ou plus fades. Non que le chienchien à sa mémère soit devenu ringard mais la modernité préfère souvent l’évidence à la subtilité, la beauté standardisée à cette irrégularité pleine de charme.
On dira désormais de la beauté fatale vers qui convergent tous les regards qu’elle « est bonne », sans y mettre la nuance que portait autrefois l’expression canine. Pour un peu l’admirateur sans pudeur s’en tirelimpiponnerait le chihuahua illico.
Pourtant, au détour d’un sourire insolent, d’un regard pétillant, d’une réplique bien sentie, on comprend soudain ce que nos anciens avaient parfaitement résumé en quelques mots : rien ne vaut quelqu’un qui a vraiment du chien.