[avwar fè lèɡzòd syr ûn- waɡònsitèrn] (loc. médic. GEN. VAR.)
Il est fort peu probable que l’exode dont il est question en l’expression qui fait l’objet de cette définition soit celui des Hébreux conduits dans le désert par Moïse comme il est conté dans le deuxième livre de la Bible, le wagon-citerne qui l’accompagne datant officiellement du 23 juillet 1859, date à laquelle l’ingénieux Louis-Xavier Gargan¹ en dépose le brevet.
Entre les deux événement une trentaine de siècles, soit un peu trop pour qu’avoir fait l’exode sur un wagon-citerne s’écrive avec un E majuscule à Exode.
Il est par conséquent quasi certain que c’est à la longue fuite des populations française face à l’avancée des troupes barbares en 1940 que fait référence avoir fait l’exode sur un wagon-citerne. L’expression débute donc sa carrière après la signature de l’armistice du 22 juin 1940 qui coupe la France entre zone occupée et zone libre.
Exigeant une projection mentale assez facile à réaliser, avoir fait l’exode sur un wagon-citerne décrit les jambes arquées du rodomont qui déambule en ville, persuadé que son style chaloupé lui confère l’aura d’un garçon de vaches (cow-boy) américain tout juste descendu de sa monture ou le sex-appeal d’un conducteur facile (easy rider) nonchalamment accoudé à son chopper Captain America.
Las, le crâneur de pacotille s’égare : l’écartement de ses membres postérieurs laisse plus à penser qu’il a séjourné longuement sur l’une de ces cuves à produits liquides enraillée que sur un fier et sauvage destrier.
Avoir fait l’exode sur un wagon-citerne n’est donc pas tendre pour le pied-tendre.
Moins moqueuse que toute autre désignation courante et peu charitable² du genu varum, elle réalise même la prouesse de transformer la déviation extérieure des genoux en un instant d’histoire nationale, et c’est à ce titre qu’elle sera récompensée dans les années qui suivront la victoire sur l’axe du mal par un usage sans modération.
Le formidable succès logistique du camion-citerne dans les années 70 lui donnera un synonyme en avoir fait l’exode sur un camion-citerne, cependant moins spectaculaire.
Le 7 mars 2003, le monopole de la SNCF sur le fret ferroviaire vole en éclat ouvrant la voie à une horde sauvage de wagons-citernes venus d’ailleurs… qui n’arriveront jamais. En dix ans le fret ferroviaire chute de 31% et avoir fait l’exode sur un wagon-citerne suit la même courbe.
Le moderne de start-up, disruptif qu’il est ce coquin, se prend même à rêver de livraison aérienne par drone faisant dérailler définitivement le wagon-citerne et annihilant ainsi toute tentative de fuite assis dessus. Avoir fait l’exode sur un wagon-citerne n’a désormais plus aucun sens.
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