[avwar la véròl é û byro de taba] (loc. médic. MST.)
Le carabin est connu pour ses blagues potaches et ses chansons paillardes¹, piliers de son apprentissage professionnel avant même la théorie des humeurs ou l’écriture illisible.Il l’est un peu moins pour sa contribution substantielle au langage suranné, notamment avec cette expression magistrale qui, à l’origine, expose qu’un patient peut aisément présenter des pathologies indépendantes les unes des autres.
Avoir la vérole et un bureau de tabac sera en ce cas son diagnostic, le malade pouvant à cet instant se découvrir propriétaire d’une civette alors qu’il imaginait quelques instants auparavant ne rien avoir d’autre que le mal de Naples (ce qui est déjà pas mal).
La sentence évaluatrice n’est pas uniquement réservée aux coquins atteint de maladie vénérienne : on pourra avoir la vérole et un bureau de tabac avec un bras cassé et un rhume des foins, une gastro-entérite et un ongle incarné, une myopie prononcée et une hépatite B. N’importe quelle combinaison de symptômes issus du Corpus hippocratique est valable pour avoir la vérole et un bureau de tabac. L’important est qu’ils n’aient aucun rapport l’un avec l’autre, et puissent se guérir ou entraîner la mort chacun de leur côté.
Le rayonnement de la science médicale opérant largement auprès d’un bon peuple émerveillé par l’art oratoire en blouse blanche, avoir la vérole et un bureau de tabac évoluera dans le langage commun pour notifier qu’une chose apparente peut en cacher une autre.
Signalons qu’un temps envisagé par la SNCF en remplacement du fameux « Un train peut en cacher un autre », le projet d’inscrire « Il est possible d’avoir la vérole et un bureau de tabac« sur le panneau réglementaire du passage à niveau sera jugé trop ambigu et finalement abandonné.
Ceci n’empêchera pas avoir la vérole et un bureau de tabac de connaître un véritable succès d’emploi dans la vie quotidienne des fumeurs et des non fumeurs, des syphilitiques et des porteurs de préservatifs, des enrhumés et des bras cassés. L’expression sera un temps au firmament de la désignation de tout et son contraire, régnant sur le grand écart et l’embrouillamini.
C‘est une poussée moderne d’en-même-tempisme² qui va chasser avoir la vérole et un bureau de tabac en surannéité.Maladie du discours visant à louvoyer de-ci de-là, à partir dans le zig tout en restant dans les limites du zag afin de s’assurer les bonnes grâces de ceux qui pensent comme ci et de ceux qui croient à ça, l’en-même-tempisme risquait de se voir pris la main dans le sac si avoir la vérole et un bureau de tabac continuait à vivre; aussi la vouera-t-il aux gémonies, l’accusant de promouvoir stupre et tabagisme.
Saignée, l’expression deviendra désuète. Ne reste que les chansons pour parler vérole.
🎶C’était un pauvre étudiant
Qui s’préparait pour la méd’cine
L’argent n’était pas son client
Ça sentait plutôt la débine
L’soir il rencontrait sur son ch’min
En revenant d’l’amphithéâtre
Une brunette à l’air câlin
Qui lui faisait une offr’ folâtre
Ell’ lui disait : — Va sois pas fier
Laiss’toi faire un’ petit’ sucette
Et puis ça n’te r’viendra pas cher
Cinq sous ! C’est pas beaucoup d’galettes !🎶