[avwar léɡÿij a midi] (loc. hora. HORLOG.)
La pendule de l’entrée s’est arrêtée sur midi à ce moment très précis où tu m’as dit je vais partir (et puis tu es partie, j’ai cherché le repos, j’ai vécu comme un robot, mais aucune autre n’est venue remonter ma vie) nous chantait le poète populaire des années surannées en faisant des petits pas avant-arrière et des moulinets avec les bras.
C’était chez Maritie et Gilbert Carpentier mais c’est une autre histoire.
Peut-on dire pour autant que Cloclo lança l’expression avoir l’aiguille à midi ? Rien n’est moins sûr (bien que la rumeur rapporte qu’il avait une nette tendance à avoir l’aiguille à midi, ce qui est quasi une attitude professionnelle quand on dirige « Absolu, le magazine français de la sexualité », et qu’on y officie comme photographe sous le pseudonyme de Claude Dumoulin).
Dès le règne babylonien on pouvait avoir l’aiguille à midi puisque le gnomon, ancêtre du cadran solaire, avait été inventé, érigeant fièrement son ombre raide quand l’astre trônait au zénith. Lorsqu’à son tour, Anaximandre de Milet (philosophe grec de l’école milésienne qui succéda à Thalès et forma Pythagore, excusez du peu) planta son pieu un peu partout pour enseigner l’art de savoir l’heure qu’il était (et donc, conséquemment, d’être en retard), l’expression érectile prit véritablement corps.
Dès lors, lorsque mettre flamberge au vent s’accompagnait d’une sans équivoque déclaration d’intérêt génésique pour une blonde en chiton de lin ou un guerrier en toge, on disait alors de celui qui s’apparentait à un cadran solaire qu’il avait l’aiguille à midi. Une formule parmi les plus poétiques que compte le bréviaire fourni des allusions à la virilité visible.
Avoir l’aiguille à midi deviendra une expression internationale en 1954 grâce à l’émergence soudaine du rock’n roll, musique entraînant des mouvements du bassin notoirement suggestifs, portée notamment par Bill Haley & His Comets et leur titre Rock around the clock.
En effet, avec one, two, three o’clock, four o’clock, rock, five, six, seven o’clock, eight o’clock, rock, nine, ten, eleven o’clock, twelve o’clock¹, rock, le monde entier va découvrir qu’il est désormais encouragé de gonna rock, rock, rock, ’til broad daylight quand on a l’aiguille à midi…
Le démon de midi et son aiguille dressée ravageront une génération.
Ce sont les paroles rugueuses et le phrasé saccadé du rap qui viendront faire cesser les hommages graveleux du rock’n roll et de la chanson française à la bandaison qui ne se commande pas.
Dès les premiers refrains de ce style musical moderne éructés, l’érection se résorbe et avoir l’aiguille à midi devient surannée. L’expression indécente n’avait que trop duré.