[avwar léɡÿijèt nwé] (loc. nœud. ZIGOUN.)
Elle est heureuse, la langue de tous les jours, quand pour aborder des sujets fâcheux elle peut se décharger sur sa sœur surannée.
C’est par exemple avec plaisir qu’elle lui refile la patate chaude quand il s’agit de ne pas avoir l’aiguille à midi ou plus généralement de constater l’insoumission d’un Popaul refusant de saluer au garde-à-vous une situation qui le mériterait amplement.
Dans ce cas difficile, avoir l’aiguillette nouée est l’expression qui s’impose avec autant de pudeur et de diplomatie que d’efficacité, là où « avoir la b**e molle » ne faisait que dans la brutalité.
L’aiguillette est initialement entendue comme le petit morceau de fer qui attache les chausses au pourpoint, soit un ancêtre de la braguette se trouvant donc dans la zone touchée par le mal.
En ce XVᵉ siècle elle est aussi un synonyme flatteur pour Totoche qui perdra cependant de son prestige quand la course à l’armement portera plutôt Goliath ou le Colosse en références, quelques centaines d’années plus tard (mais ceci une autre histoire).
Habile, presque flatteuse, avoir l’aiguillette nouée contient un début de réponse à l’accidentelle capitulation : le nœud empêchant l’irrigation du corps caverneux est le fruit d’une action extérieure (personne ne se noue l’aiguillette de son propre chef), en l’occurence un maléfice ourdi par quelque sorcière qu’il faudra penser à jeter au feu pour remédier à cette attaque ad sexus¹.
Louis de Crécy, comte de Flandres et de Nevers, Philippe Auguste, roi de France, auront parmi tant d’autres l’aiguillette nouée ce qui procurera une notoriété certaine à l’expression qui se trouvera employée par le bon peuple en alternance avec la moins charitable faire queue de rat. Comme leurs seigneurs, des quidams de plus basse condition se verront eux aussi touchés par le sortilège de l’aiguillette nouée, contribuant aussi (à leur corps défendant) au succès.
Cette dernière va cependant filer dare-dare en surannéité quand la braguette scellée par fermeture Éclair™ remplacera l’aiguillette ancestrale.
Le siècle moderne d’une pudeur bigote n’entendant pas attirer l’attention sous la ceinture qui désormais marque la frontière de la décence, il se sépare d’avoir l’aiguillette nouée qui tendait plutôt à lui nouer l’estomac de crainte d’avoir à en faire usage.