[avwar lèr dên‿ èkstrè de turt] (compar. pop. PÉJ.)
Au XIIIe siècle déjà, le Liber de coquina propose parmi ses nombreuses recettes celle de la torta parmesane ne comportant pas moins de six étages d’ingrédients entassés sur leur pâte, histoire de bien tenir au corps avant de partir en croisade par exemple.
De torta parmesane : ad tortam parnesanam, accipe pullos bene depilatos et incisos uel demembratos et suffrige eos cum cepis bene cisis cum lardo in bona quantitate, nous conseille en latin dans le texte le docte incunable sans jamais utiliser avoir l’air d’un extrait de tourte.
« Hé hon hais hé haud »
Il est plus que probable que l’expression soit donc ultérieure à cette période, une fois la recette transmise à des centaines de marmitons réadaptant le contenu selon leurs possibilités du moment et leur compréhension du latin. Autant d’interprétations locales donnant lieu à une pose mêlant surprise gustative, air éberlué et bouche bée au goûter, « hé hon hais hé haud » cachant difficilement la grimace de nausée du commis choisi pour la première part.
Avoir l’air d’un extrait de tourte serait alors l’équivalent de cette tête un peu niaise que propose le cobaye chargé d’apprécier l’assemblage de viandes, volailles, légumes bouillis et leur garniture de sauce dans une tarte circulaire aux bords légèrement élevés recouverte d’une abaisse.
D’aucuns ont avancé que c’est le piètre talent de certains peintres de cour représentant toujours les convives d’un banquet avec des visages de nicodème qui aurait pu donner avoir l’air d’un extrait de tourte mais l’invention de la photographie de fin de repas démontrera par la suite que les reproductions étaient fidèles (cf. fig. B).
Le domaine de la tourte s’étendant au rythme d’une créativité régionale rarement décevante, avoir l’air d’un extrait de tourte suivra le chemin de la tourte à l’alsacienne, de la tourte de la vallée de Munster au fumet inégalable et de la tourte berrichonne à base de pommes de terre, d’oignon, de persil et de crème fraîche. Des centaines de recettes qui en feront une expression très aboutie.
La passion moderne pour la photographie des plats du jour et leur partage mondial sur réseau social aura raison de la tourte.
Jugée bien trop peu esthétique, elle est rayée des menus et du vocabulaire : avoir l’air d’un extrait de tourte n’a désormais plus rien à voir avec une mine nunuche, pas même en cas d’autoportrait photographique toutes lèvres tendues vers l’objectif (l’expression adéquate dans ce cas étant une autre histoire).