[avwar le mòZo] (expr. séduc. MAGI.)
Il serait beaucoup trop risqué de tenter de démêler le vaudou haïtien du hoodoo américain, l’une et l’autre des pratiques protégeant ses secrets d’envoûtement de l’ennemi ou de retour de l’être aimé avec véhémence et s’avérant par ailleurs un domaine de spécialistes pointus.
Nous nous contenterons humblement de signaler ici que la langue doit au hoodoo l’une de ses expressions emblématiques sur le pouvoir de plaire : avoir le mojo.
Petit sac contenant divers objets magique à l’origine, le mojo s’est rapidement imposé comme une pièce maîtresse du sex-appeal, dans un premier temps grâce aux esclaves africains du sud des États-Unis qui pratiquaient le hoodoo, puis grâce aux efforts publicitaires des professeurs marabouts N’Golo, Yacoumba et consorts, faisant distribuer leurs prospectus dans les lieux les plus fréquentés.
Il a le mojo, il aura la femme
En usant de leurs pouvoirs, généralement fruits d’un héritage paternel depuis dix générations (celui de séduction étant le plus sollicité avant même le gain à la Loterie Nationale), ces maîtres du sortilège ont fait d’avoir le mojo une expression des boulevards de France et de Navarre. Et c’est vraisemblablement le succès rapide de divers envoûtements payés après réussite¹ qui permettra sa diffusion la plus large jusqu’à qualifier toutes les blandices des sens.
En effet, avoir le mojo ne relève aucunement d’une plastique aidante ou d’une facilité technique au baratin, et encore moins d’une aisance pécuniaire : celui qui l’a est au-delà; il a l’aura.
Ainsi l’expression aide-t-elle à expliquer la réussite de l’enjôleur que l’ordinaire admire. Qui a le mojo aura la femme.
En 1993, l’industrie automobile et sa mercatique mensongère tenteront de récupérer le pouvoir du mojo, assurant crânement dans une réclame au ton grave que « celui qui a la voiture² aura la femme ». Les nombreux échecs sentimentaux des crédules s’étant procuré l’onéreux véhicule entameront bien injustement le crédit d’avoir le mojo.
Bouc émissaire précipité dans la tourmente d’un débat qui n’était pas le sien, avoir le mojo se verra ainsi condamné à l’exil en surannéité, abandonnant son pouvoir affriolant à de modernes algorithmes en séduction, marchands d’orviétan dont il fera la fortune (mais ceci est une autre histoire).
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