[avwar le nèr flapi] (loc. moral. DÉPRES.)
Il peut arriver même au plus preux des chevaliers de flancher.
Aussi étrange qu’il puisse paraître, occire le barbare à tour de bras à longueur de croisades peut en effet produire une forme de lassitude et engendrer un état de faiblesse généralisée, voire un questionnement profond sur le sens de la vie.
Puisque la formule emprunte au latin populaire falappa, altération médiévale du latin faluppa (balle de blé) ayant donné flap (qui est flétrit), avoir le nerf flappi a pu être une expression utilisée par l’habituellement bouillonnant Godefroy de Bouillon revenant d’une expédition contre le sultan de Damas ou par Payen le Bouteiller, croisé lui aussi et officier chargé de l’approvisionnement en jaja de la cour du roi, bien connu pour ne pas être le dernier à prendre le coup de l’étrier.
Avoir le nerf flapi date paradoxalement de cette période regorgeant d’hommes pas vraiment velléitaires toujours prêts à empoigner Durandal pour vérifier la qualité de son tranchant sur l’ennemi, véritables figures de l’esprit de conquête.
L’histoire officielle omet de conter les moments d’abandon de ces figures viriles, quand bien même elle a à sa disposition avoir le nerf flapi pour modérer ce qui est en réalité l’atteinte du bout du rouleau. En ces temps surannés où mieux vaut être bon pied bon œil pour survivre il est en effet vu d’un mauvais (œil) de se laisser aller à une mélancolie quelconque au moment d’en découdre.
Cet embarras face à une langueur monotone que blessent si facilement les sanglots longs des violons de l’automne¹ explique la carrière cahin-caha d’avoir le nerf flapi qui ne s’entendra que chez les plus élégants des faiseurs de répliques.
Devancée dans l’usage par avoir les nerfs (on notera le pluriel dans ce cas) qui exprime cette fois une irritabilité maximale pouvant néanmoins déboucher sur un désappointement profond qui reviendrait alors à avoir le nerf flapi, l’expression déclinera doucement.
Le marché de la médecine et de la pharmacopée correctrices des humeurs les plus sombres viendra sonner le glas pour avoir le nef flapi.
En 1951, l’iproniazide lui porte un premier coup. Grâce à cet antidépresseur avoir le nerf flapi décline. Quelques années plus tard l’imipramine et les nombreuses molécules qui en dériveront l’achèvent.
En modernité il n’est plus possible d’avoir le nerf flapi. Tout juste est-il toléré de ne pas trop avoir la pêche, encore que cette formulation soit elle aussi en voie de surannéisation (mais ceci est une autre histoire).