[avwar le pèN dâ le majo de bê] (loc. aqua. COOL.)
Parmi les attitudes relax qui posent leur homme des années surannées, il en est une qui s’exerce plus particulièrement en zone et tenue de baignade.
À la plage comme à la piscine, on admirera la formidable voire insolente aisance du rodomont de service en précisant, admiratif, qu’il a le peigne dans le maillot de bain.
Avoir le peigne dans le maillot de bain marque la nonchalance glamour qui anime (mollement) le décontracté du gland, le dégagé des contingences, celui sur lequel glisse le stress d’une situation qui pourrait se trouver d’autant plus compromise qu’il n’est guère aisé de laisser pisser le mérinos avec un peigne dans le maillot de bain.
L’expression démontre toute la maîtrise en coolitude que possède celui qui a le peigne dans le maillot de bain car il est évident que les dents acérées qui servent habituellement à dompter des cheveux emmêlés doivent l’irriter au plus haut point; avoir le peigne dans le maillot de bain c’est bel et bien mettre le monde excité à distance et afficher son style : la grande classe.
Si le peigne existe depuis au minimum huit mille ans, il faudra attendre 1932 et l’invention du slip Tarzan pour voir le maillot de bain abandonner tout droit à l’imagination pour ce qui est des attributs masculins (jusqu’alors enveloppés dans des costumes bouffant en laine).
On peut donc aisément assurer qu’avoir le peigne dans le maillot de bain date de la deuxième moitié du XXᵉ siècle et que sa carrière sera courte puisque le maillot de bain lui-même connaîtra une phase dépressive importante suite au succès rencontré par le boxer plus seyant.
À noter que le maître-nageur, celui-là même à l’origine de la légende urbaine sur l’eau de piscine changeant de couleur si l’on fait pipi dedans¹, est paradoxalement l’un des hommes ayant le moins le peigne dans le maillot de bain bien que passant ses journées de travail en maillot de bain. Râlant parce qu’il ne faut pas courir au bord de la piscine ou pousser ses petits camarades du haut du plongeoir, obligeant à passer par l’immonde pédiluve, le bonhomme est un parangon du raidissement psychologique et de l’application du règlement, tout le contraire du type qui a le peigne dans le maillot de bain.
Le 8 juillet 1993, la piscine Deligny (barge flottante amarrée quai Anatole France, dans le 7ᵉ arrondissement) coule, pas cool, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Avec elle disparaît en surannéité le solarium-piscine-bar-restaurant le plus décomplexé de Paris ainsi qu’avoir le peigne dans le maillot de bain. Deux pans du patrimoine national.