[avwar léz- èsɡurd â kôtrevâ] (loc. verb. OUÏ.)
C‘est la modernité policée qui a inventé la fameuse injonction interdictrice « pas le physique », destinée à éviter les lazzi à ceux que l’harmonie des traits a parfois chahutés.
Pas de ça dans les temps surannés où l’on se gausse allègrement du vilain à la forme non conforme, mais attention : dans une langue suffisamment créative pour ne jamais l’humilier. Nez à piquer les gaufrettes fait ainsi la nique aux longs tarins et belle à la chandelle révèle en clair-obscur caravagesque les atouts cachés des trumeaux.
De celui que la nature (joueuse) a doté de pavillons orientés à quatre-vingt dix degrés pour mieux entendre ce qui se raconte, on dit qu’il a les esgourdes en contrevents.
Soulignons le souci de l’exactitude qui, comme à l’accoutumée, obnubile la langue surannée. Il lui eut été facile en effet d’utiliser volets en lieu et place de contrevents, mais la diablesse a voulu la jouer précise : chacun sait que le volet est installé à l’intérieur alors que le contrevent est extérieur, tout comme l’oreille décollée.
Malgré la popularité de Jumbo (1861-1885), immense éléphant d’Afrique qui passa par le Jardin des Plantes à Paris, le zoo de Londres et continua sa carrière à travers tous les États-Unis, avoir les esgourdes en contrevents conservera la faveur des moqueurs de cour de récréation pointant du doigt tour à tour les possesseurs de pavillons à angle rétro-auriculaire supérieur à 25°, mais aussi les porteurs de lunettes (« serpent à lunettes ») et les roux (« poil de carotte »).
La fameuse coupe au bol fut, prétend-on dans le milieu de la capilliculture, inventée pour faire cesser les quolibets adressés aux enfants différents du côté de la feuille¹, mais la forme ovoïde ainsi créée contribua surtout à une nouvelle gausserie (dite de « la Mireille Mathieu ») bien plus pénible.
En 1976, un poète que sa propre image contrarie notamment parce qu’il a les esgourdes en contrevents, susurre : je suis l’homme a tête de chou, moitié légume et moitié mec.
En un album-concept tournant en 33 tours, L’Homme à tête de chou, Serge Gainsbourg solde grâce à ses mots une histoire d’amour éreintante avec l’exigeante Marilou², et démontre à tous les moches qu’on peut l’être et néanmoins séduire les plus belles femmes de la planète (à condition d’exercer un sacré talent, évidemment).
L’effet – comme le succès de l’album – n’est pas immédiat mais avoir les esgourdes en contrevents devient tout de même rapidement une expression surannée. La coupe au bol disparaît elle aussi, ce qui est une autre histoire mais tout de même une excellente nouvelle (hors cercle des admirateurs de Mireille Mathieu).