[avwar mâZé dy tòpsèt] (loc. verb. CONFIS.)
Armand Jean du Plessis de Richelieu avait créé l’Académie française pour régler la langue française, la rendre pure et compréhensible par tous¹.
Le cardinal pouvait-il imaginer qu’aux compétences des quarante membres de la docte institution, il faudrait un jour ajouter celle de clabaudeurs refourguant leur camelote ?
Allumez la télévision cubique de Bakélite orange et souvenez-vous : une mamie tranquillement assise sur sa chaise du Luco dégageait un ballon de foot qui s’envolait dans les nuages et retombait crevé. La réclame terminait son entreprise de conviction consumériste par une prise de parole testimoniale du pauvre ballon déchiré : « Mais ma parole, elle a mangé du Topset… ».
C’était en plein cœur des années surannées, en 1974, et depuis deux ans déjà la société Suchard nous vantait les mérites de sa barre chocolatée au riz soufflé et au caramel avec son « Mais ma parole, elle a mangé du Topset… », marquant le langage de son slogan constateur.
Avoir mangé du Topset devint ainsi expression synonyme de posséder une force surhumaine, donnant une forme gourmande à la tradition gauloise de la potion magique qui avait permis à un petit village de résister à l’envahisseur romain. Et de goûter de récré en quatre-heures de sortie de l’école, avoir mangé du Topset acquit autant de force que s’il avait été voulu par ceux assis dans les quarante fauteuils offerts par Louis XIV.
À chaque médaille sportive gagnée à la force du poignet ou à celle du jarret, on déclarait que l’athlète avait mangé du Topset. Et pour chaque tâche domestique effectuée en deux temps trois mouvements c’était la même rengaine : mais ma parole, tu as mangé du Topset ! La légende raconte même qu’un enfant des années surannées l’entendit prononcer alors qu’il avait rangé sa chambre sans qu’aucune menace de punition quelconque ne lui ait été adressée !
Formulation estomaquée d’un constat de déploiement d’une énergie exceptionnelle, avoir mangé du Topset s’installa dans la langue officielle.
Les pérégrinations capitalistiques de l’entreprise fondée par Philippe Suchard en 1826 (qui passa successivement entre les mains du cigarettier Philip Morris qui le transféra chez Kraft General Foods qui devint Kraft Jacobs Suchard et qui suivit encore d’autres arcanes constituant d’autres histoires) firent fondre avoir mangé du Topset comme une barre chocolatée sous un soleil d’été.
En 1988, Topset disparaît donc et avoir mangé du Topset ne lui survit guère plus d’une année scolaire, le temps que de plus modernes friandises ne viennent à leur tour clamer leurs qualités sans pour autant emporter l’assentiment des immortels du quai de Conti (devenus eux aussi surannés, mais ceci est une autre histoire).