[avwar ên‿ èr de döz‿ èr] (loc. moq. FRIM.)
QUAND L’ATTITUDE est outrancière, quand le benêt s’imagine matador et parade comme s’il avait déjà en poche les deux oreilles et la queue, il est temps de fesser l’impudent d’une formule légère.
Avoir un air de deux airs a été construite pour cela.
Avec cette subtilité du non sens qui caractérise l’époque surannée, la locution a modifié « d’un paradeur » en « de deux airs », reprenant les deux -r du frimeur pour en faire deux airs dont le gonflé à l’ego se demandera bien ce qu’ils viennent faire dans son portrait qu’il aime tant.
Partant du principe qu’avoir un air c’est déjà un de trop puisqu’il s’agit d’un jeu de dissimulation et d’apparence (celui qui a un air n’est pas, sympathique, de famille, bête, etc.), avoir un air de deux airs démontre l’abus – de soi en l’occurence.
Plus encore, avoir un air de deux airs vicie l’atmosphère au point que la formule synonyme soit celle de se la péter. L’image odoriférante de style pipi-caca sera cependant jugée bien trop vulgaire pour être diffusée en dehors de cercles d’amateurs du genre potache, ceux-là même usant par exemple de comptines telles que la fameuse Le garde champêtre, qui pue qui pète, qui prend son cul pour une trompette (mais ceci est une autre histoire).
Avoir un air de deux airs vicie l’atmosphère
Aussi, avoir un air de deux airs demeurera-t-elle l’expression préférée des Français pour dénoncer le crâneur, qu’il s’affiche dans la cour de récré avec deux calots gagnés à la tic ou sur la voie publique avec une 205 GTi rouge vif.
Premiers moutardiers du pape, prétentiards et autres empesés de la gourmette se verront affublés de cet air d’en avoir deux pendant les très longues années de leur règne ou simplement le temps de leur quart d’heure de célébrité warholien.
C’est d’ailleurs la multiplication incontrôlée de ces minutes d’éphémère renommée pour cause de téléréalité ou de quelconque autre forme de gloriole bricolée¹ qui aura raison d’avoir un air de deux airs.
L’abondance de sommités fières d’être elles-mêmes et conséquemment l’usage intensif de la formule moqueuse vont en effet éroder son pouvoir burlesque.
Submergés par l’infatuation ambiante, les deux airs s’évaporent. Devant ce pschittt libérateur le suffisant se sent pousser des ailes : il a le champ libre et peut prendre ses grands airs.