[avwar û métro de retar] (loc. métrop. TRANSP.)
C‘est à un inspecteur général des Ponts et Chaussées que la langue surannée doit l’expression du reproche goguenard qui est fait à celui qui comprend lentement, qui est à côté de la plaque, dans ces temps où débarquent le fascinant progrès et ses merveilleux fous inventeurs.
L’ingénieur Fulgence Marie Auguste Bienvenüe est en effet le papa du métropolitain qui en plus de desservir Paris de la Porte de Vincennes à la Porte Maillot dès le 19 juillet 1900, va aussi créer avoir un métro de retard (la locution complète avoir un chemin de fer métropolitain de retard¹ n’étant pas conservée pour cause de complexité, y compris dans le langage soutenu).
Les atours scintillants de l’Exposition Universelle étant déployés depuis trois mois déjà quand ouvre le métropolitain ligne 1, qui se méfie des bienfaits de la fée électricité, qui préfère marcher plutôt qu’emprunter le trottoir roulant à deux vitesses de Schmidt et Silsbee, qui réfute la qualité du moteur imaginé par Rudolf Diesel est considéré comme ayant un métro de retard.
Moquerie s’installant immédiatement dans le langage quotidien, avoir un métro de retard est alors un tribut à la ponctualité magnifique de ce nouveau mode de transport qui attire les élégantes et (déjà) les Michelins. En ce siècle vingtième qui s’annonce resplendissant, il est du meilleur goût de se déplacer en métro (pour 25 centimes en première classe et 15 centimes en seconde) et de la pire disgrâce d’avoir un métro de retard.
Dans la moindre bourgade de France où l’on n’a pourtant jamais vu le début d’une courbe d’édicule Guimard, on utilise aussi avoir un métro de retard pour parler du garde champêtre un peu lent à la comprenette, assurant ainsi la longue et belle carrière de l’expression qui durera plus de cent ans.
Un siècle après le triomphe de l’Art Nouveau, les séides de l’art numérique vont uberiser avoir un métro de retard.
La modernité consistant désormais à utiliser une voiture avec chauffeur commandée par l’intermédiaire d’une application géolocalisée par Smartphone, avoir un métro de retard est propulsée en surannéité et la description des engourdissements de la pensée se retrouve orpheline.
Un temps envisagée, avoir un uber de retard ne fera pas long feu : le moderne pense vite. Et agit plus rapidement encore.