[avwar‿ yn tèt dabòné o ɡaz] (expr. lambd. GDF)
Être monsieur tout le monde est un art.
Ne pas se distinguer avec un nez qui a coûté cher à mettre en couleur, ne pas se faire remarquer par une taille de grand dépendeur d’andouilles sont autant de qualités qui permettent de passer pour un quidam lambda ou, comme il se dit alors que le méthane est à tous les étages, d’avoir une tête d’abonné au gaz.
C’est grâce au travail acharné de la Compagnie Winsor puis de la Compagnie royale d’éclairage par le gaz qui déploient leurs tuyaux, que le progrès hydrocarburé pénètre dans le deux pièces cuisine du moindre paroissien qui se trouve ainsi dûment client mensualisé de leurs services et ravi par là même. Son faciès boniface, reconnaissable entre mille, est l’expression de ce contentement qui permettra de définir avoir une tête d’abonné au gaz.
Celui qui a une tête d’abonné au gaz est bonhomme et rien de plus
Les yeux ne plissent pas et nulle fossette ne creuse de sa ridule l’ovale de son visage. Tout juste aperçoit-on quelques quenottes mais on est loin du sourire à quatre quatre-vingt-quinze qui révèle le râtelier.
Celui qui a une tête d’abonné au gaz est bonhomme et rien de plus.
Roger-bontemps et cadet-la-gingeole en même temps, le gazier passe-murailles se fond dans le décor aussi bien que les conduites de plomb qui trimballent les raisons de sa satisfaction.
Un aspect ton sur ton qui a parfois amené avoir une tête d’abonné au gaz à être confondue avec avoir une belle tête de vainqueur, forme au demeurant nettement plus dépréciative des traits du susnommé. Sans être en concurrence les deux expressions se marcheront parfois sur les pieds mêlant à tort bêtise et banalité, cette confusion ne leur profitant guère.
La conception moderniste de l’home sweet home chassant petit à petit le gaz de ville de ses logements (tout en conservant les attributs des anciennes usines à gaz, mais ceci est une autre histoire), avoir une tête d’abonné au gaz s’évaporera tranquillement jusqu’à en devenir totalement désuète.
À tel point qu’elle semblera n’avoir jamais existé, un peu comme le concerné du temps où elle tentait de le distinguer.
On n’échappe pas à son destin, surtout s’il est banal.