[ne pa avwar vâdy de krèm‿ oz‿ almâ] (loc. germ. CULPA.)
En ces sombres années où le barbare se pavanait au pas de l’oie dans les rues de Paris comme dans celles du plus petit village de France, égorgeant au passage nos fils et nos compagnes, se concoctait aussi une expression qui marquerait bientôt les procès collabos avant de s’égayer dans le parler quotidien.
Ne pas avoir vendu de crème aux Allemands (ou son utilisation directe et moins subtile avoir vendu de la crème aux Allemands) s’avèrera en effet la formule la plus lourde de sens et la plus ironique possible pour souligner l’ignoble de ces enrichissements bâtis sur la dénonciation et la spoliation, de ces compromissions avec le mal, de ces petits arrangements avec la mort.
Mais, par l’un ce ces sarcastiques retournements dont seule la gouaille française est capable, ne pas avoir vendu de crème aux Allemands deviendra bientôt l’expression de la récusation face à des accusations injustes. Soit plus qu’il n’en fallait pour qu’elle se répande dans le langage, les occasions de son usage ne manquant pas.
Un petit sentiment d’injustice alors qu’on est par exemple oublié par une nouvelle tournée de jaja au Balto et c’est un « hé j’ai pas vendu de crème aux Allemands » qui jaillit. Une accusation outrancière et ne pas avoir vendu de crème aux Allemands fuse illico. Et à l’auberge du cul-tourné ne pas avoir vendu de crème aux Allemands est aussi de rigueur pour manifester son incompréhension.
Toute compromission avec l’ennemi vaut transaction laitière
Il n’est pas nécessaire de posséder un commerce de BOF¹ (cf. Fig. A) pour avoir vendu de la crème aux Allemands : toute compromission avec l’ennemi vaut transaction laitière.
Notons que malgré une rivalité ancestrale prononcée avec l’Anglois, c’est au Germain que s’attachera l’expression outragée, laissant envisager l’importance des stéllionats² perpétrés dans ces années 40.
Une certaine forme d’apaisement dans les relations diplomatiques avec l’outre-Rhin et la disparition du petit commerce de proximité auront raison de ne pas avoir vendu de crème aux Allemands.
Désormais tout s’achète et se vend.
La crème, qu’elle soit fraîche crue, liquide ou fleurette, ne fait plus l’objet d’un sombre marché. Qui pourrait s’en plaindre ?
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