[beze lə babwɛ̃] (loc. sex. HUMIL.)
Toute libidineuse qu’elle soit parfois, la langue surannée n’encourage aucunement les comportements déplacés avec les animaux.
Il n’était donc pas un instant question d’obtenir les faveurs d’un singe cynocéphale à lèvres proéminentes pour qui utilisait l’expression baiser le babouin que nous épluchons ci-dessous. Et d’ailleurs, quiconque s’y serait essayé aurait certainement rencontré quelques réticences de la part de l’animal qui est d’un naturel peu commode avec l’homme.
Baiser le babouin fait appel au sens premier du verbe qui signifie déposer ses lèvres, en l’occurence sur un gros singe. Étrange, peu amène, répugnant même : c’est pour cela que baiser le babouin est synonyme de soumission forcée, d’humiliation. Nul ne baise le babouin de son plein gré.
Originellement punition de la troupe militaire pour le troufion récalcitrant à l’application d’une quelconque tradition¹, baiser le babouin était un acte de contrition qui consistait à embrasser la partie charnue d’un singe dessiné sur un mur, à défaut de véritable guenon disponible². Le tourlourou ainsi soumis comprenait le sens de la tradition soldatesque et ne discutait plus les ordres, fût-ce les plus saugrenus.
Grâce à la conscription, baiser le babouin se répandit dans le pays tout entier et dans ses colonies, acquérant au passage un sens civil le plaçant au-dessus d’être Fanny pour ce qui est de l’avilissement.
Partout où un quidam devait courber l’échine devant la volonté d’un puissant, on disait de lui qu’il avait baisé le babouin. L’expression rencontra un tel succès qu’elle en vint à concurrencer sérieusement son synonyme pourtant installé depuis 1077 : aller à Canossa³.
C’est donc en toute logique l’Église catholique qui demanda le retrait du langage de baiser le babouin, à la fois outrée par la tournure de l’expression et celle des événements. Se faire dépasser dans la langue du peuple par une histoire de patin roulé à un macaque n’était pas tolérable pour les ouailles vaticanes soucieuses de conserver leur influence sur les bonnes âmes. Une contrainte vexatoire mettant à l’honneur un singe prenant le pas sur celle glorifiant l’action du successeur de saint Pierre ? Le risque que l’outragé finisse par en rire était trop grand.
La démarche de mise au placard fut largement approuvée par l’ensemble des fournisseurs d’obligations-de-faire-comme-ceci-et-pas-comme-ça-sous-peine-de-sanctions, heureux de voir disparaître un usage au ton parfois un peu trop séditieux.
Ainsi baiser le babouin tomba en surannéité à l’aube d’une époque où elle aurait certainement été utile, même si ceci est une autre histoire.