[baʁbakɔl] (n. masc. SCOL.)
Faux ami ! Si vous pensiez que voici venir les Barbapapa, toujours contents Papa et Maman Barbapapa, et leurs enfants les p’tits et les grands, se transformant à volonté ronds ou carrés, eh bien vous vous trompiez.Le mot au chevet duquel nous allons nous pencher se contrefiche de Barabapapa tout rose plus rose qu’une rose, de Barbamama plus noire qu’une rose noire, de Barbibulle le jaune, de Barbalala verte comme une pomme et même de Barbotine, cet ange à la couleur des oranges¹.
Barbacole va nous traîner sur les bancs de l’école tel un hussard noir de la IIIᵉ République, laïcard jusqu’au slip, droit dans sa blouse amidonnée et la règle magistrale bien calée sous le bras, prête à corriger l’inconséquent.
Barbacole semble s’être fait la malle depuis que Monsieur l’instituteur n’est plus le troisième notable du village, après Monsieur le maire et Monsieur le curé, du temps (suranné) où leurs édifices respectifs se faisaient face sur la place. L’arbitre de ce jeu de position demeurant le bistrot, quatrième lieu consacré, on est en France tout de même !
C’est La Fontaine qui nous envoie le premier du barbacole avec sa « Querelle des chiens et chats et celle des chats et des souris » et mon petit doigt me dit qu’il y a tout simplement mis de la longue barbe blanche et de l’école pour trouver sa rime à « paroles ». Les savants de la langue se perdent en d’autres conjectures, je les laisse savoir.
J’en reviens à mon dire. On ne voit sous les cieux
Nul animal, nul être, aucune créature,
Qui n’ait son opposé : c’est la loi de nature.
D’en chercher la raison, ce sont soins superflus.
Dieu fut bien ce qu’il fit, et je n’en sais pas plus.
Ce que je sais, c’est qu’aux grosses paroles
On en vient sur un rien, plus des trois quarts du temps.
Humains, il vous faudrait encore à soixante ans
Renvoyer chez les barbacoles.
Va savoir pourquoi ces mêmes savants font de barbacole un qualificatif péjoratif; je m’inscris en faux ! Certes le barbacole est rude, rigide, intransigeant, et son uniforme noir à pantalon, gilet, longue redingote et casquette plate noirs qu’il porte à l’École Normale² lui confère une posture digne de l’élite militaire, mais c’est un minimum pour mater le marmot qui préférerait se la faire buissonnière son école d’alors.
J’ai connu parmi les derniers barbacoles et je les remercie pour les tables de multiplication récitées à voix haute, pour « Le dormeur du val », pour la longueur de la Loire et du Rhône, pour 1515 évidemment mais aussi pour la Saint-Barthélemy, l’Édit de Nantes, Waterloo, Verdun, toutes ces dates compliquées à inscrire dans ma mémoire.
Je les remercie pour « My tailor is rich« , pour le parfum de la colle Cléopâtre, pour m’avoir obligé à me laver les mains avec le savon jaune Provendi, et même pour m’avoir demandé de me mettre debout quand Monsieur le Directeur avait à nous parler³.
Leurs exigences me permettent aujourd’hui de convertir de tête les euros en francs et de me dire que tout augmente, de gloser sur Rimbaud pour briller devant une blonde qui ne m’écoute pas, de faire la différence entre un fleuve et une rivière, de me souvenir de quoi sont capables les fous de Dieu quel que soit celui dont ils se réclament, de trouver mon chemin quand je dois demander en anglais et de frissonner quand je renifle un parfum d’amande.
Barbacole tu m’as soûlé comme on dit désormais. Merci de l’avoir fait.