[bati a So é a sabl] (loc. verb. COST.)
Le bel homme bien portant est en ces temps désuets bien loin de son alter ego moderne à la silhouette légère affinée par la privation lipidique et la sudation intensive facturée au prix de l’or par des usines à effort. La santé se mesure en effet au quintal, et le bedonnant aujourd’hui honni est alors un canon de beauté.
Du beau bébé reprenant une deuxième plâtrée de cassoulet faisant ainsi la fierté de sa maman qui, elle, ne le laisse pas mourir de faim (sic), l’on dit alors facilement qu’il est bâti à chaux et à sable.
Une expression elle-même bâtie sur la chaux, matériau utilisé depuis Mathusalem pour la construction des voies et bâtiments, et à la base de tout ce qui dure : temples païens, édifices religieux, ponts, etc. Si la chaux est là ça durera, comme on dit depuis Imhotep qui en connaissait un rayon.
Les compétences bâtisseuses évoluant vers le béton, l’acier, le verre et d’autres matériaux toujours plus solides et malléables aidant à construire les tours de Babel, bâti à chaux et à sable devint petit à petit le seul apanage du champ d’expérimentation humain et quitta celui du gros-œuvre.
Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent
On ne dit ainsi plus que du gaillard¹ qu’il est bâti à chaux et à sable, forme admirative soulignant ses mensurations impressionnantes et laissant présager d’une capacité à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Comme le résume sobrement l’œuvre conjointe d’Henri Verneuil et Michel Audiard, 100 000 dollars au soleil, via l’interprétation du sémillant Jean-Paul Bemondo, « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent ». Autrement dit, quand on est bâti à chaux et à sable, on a plus facilement raison.
Être bâti à chaux et à sable sera poussé au suranné par le diktat mercantile et publicitaire trouvant dans l’éphèbe le prescripteur idéal de produits à forte valeur ajoutée, le glabre damoiseau gendre idéal remplaçant dans le phantasme de la ménagère le fort en gueule et fort-à-bras.
Seules quelques grands-mères du siècle précédent continuent à en faire usage, remplissant allègrement les assiettes de plats en sauce pas vraiment idéaux pour la ligne : « mange donc, t’es tout maigrichon ».