[lə bo sɛks] (loc. FEM.)
J‘arrête ici tous les obsédés narcissiques qui se regardent le nombril et le reste un décimètre à la main : le beau sexe n’est pas l’expression surannée consacrée pour décider de qui a la plus grande ou la plus belle. Ici c’est une maison sérieuse. Et elle n’est pas non plus à confondre avec le beau Serge (le truand) qui d’ailleurs ne l’était guère parait-il. Ceci posé, nous voici désormais en capacité d’étudier le degré de surannéité du beau sexe.La locution désigne la gent féminine dans son ensemble et ce sans degré d’appréciation plastique particulier, plaçant sur un pied d’égalité toutes les composantes du groupe (je parle en termes techniques vous l’aurez bien compris).
Bien entendu, Simone¹ avec son « Deuxième sexe » n’en fait certainement pas la même lecture, l’éternel féminin n’étant pas vraiment son truc. Elle nous dit qu’il n’est pas vraiment juste de porter aux nues une beauté féminine et de déterminer sur ce critère une bonne moitié de l’humanité. Et patati et patata, en un mot comme en cent cachez donc ce beau sexe que je ne saurais voir. Mais enfin Simone ! Toi qui l’appréciais aussi ce beau sexe, pourquoi vois-tu du mal partout ? Le beau sexe c’est justement tout le contraire d’une promotion de la femme comme une image, c’est un postulat pas une injonction !
Bon, je vois que tu n’es pas d’accord et propose donc ici, solennellement, de tenter l’expérience d’utiliser cet ensemble de deux pièces dans d’autres conditions.
Nous commencerons par l’art et plus précisément par la sculpture classique. Le David de Michel-Ange est-il du beau sexe ? Ses proportions iconoclastes² auraient plutôt tendance à le placer dans une catégorie qui voue en général ses hôtes à passer à la postérité dans un bocal empli de formol exposé sur des étagères poussiéreuses à l’Institut, mais le génie Florentin et la douceur d’un marbre en décidèrent autrement. Ce faisant on pourrait dire dès lors que David est du beau sexe. Ça te va comme évolution ?
Nous continuerons avec le vin dont je suppose que tu n’aimes pas qu’on dise de lui qu’il a une belle robe rouge chatoyante et que tu préférerais qu’on la lui enlève pour le voir nu. Faisons ainsi : nous dirons désormais d’un Bourgogne profond qu’il a un beau sexe. Ne discutez pas c’est comme ça. Il vous faudra gloser le breuvage à la main et l’oeil perdu dans ses reflets sur le sexe du Chassagne-Montrachet, de l’Aloxe-Corton ou du Romanée-Conti. Et pourquoi pas ? C’est la révolution les gars, ça va changer ! Je sens qu’on avance bien là.
En 1719 (temps suranné) paru un ouvrage anonyme qui s’intitulait “Le triomphe du beau-sexe sur les hommes, où l’on fait voir les avantages & les prérogatives qui rendent les femmes supérieures aux hommes, par des preuves incontestables”. Comme tant d’autres avant lui et tant d’autres après lui (jusqu’à Simone), il agita la Querelle des femmes, mais ce qui m’intéresse est qu’il le fît en titrant le beau sexe, mieux encore en lui adjoignant un trait d’union que je vois consacrant.
Le Haut Conseil en Surannéité en conclut donc ce jour en sa Docte Assemblée réunie en concile que l’expression le beau sexe est d’une part bel et bien surannée et d’autre part sans polémique aucune. En conséquence de quoi elle sera instamment utilisable en synonyme féminin. Dont acte.