[bèrnik] (exp. adv. COQUIL.)
Très complexe d’usage, il est probable que le mot suranné que voici ait disparu par grande méconnaissance de ses cas d’employabilité.Il faut dire qu’avec son homonyme gastéropode prosobranche, coquillage comestible vivant dans la zone de balancement des marées, il partait avec un certain handicap. Au temps du suranné on savait cependant le placer (notamment en normando-picard, eh oui !) là où la modernité a préféré renoncer à l’utiliser.
Probablement apparu au XVIIIᵉ siècle comme formule de négation et d’insulte, il a rapidement glissé vers la marque de désappointement parmi les plus sophistiquées et directes qu’il m’ait été donné de croiser. En vérité je vous le dis, je trouve bernique du plus chic. Essayez de me prouver le contraire !
Peut-être trouvez-vous macache bono élégant ? Certes nada fait polyglotte et queue de chique montre une véritable pratique de l’argot, mais admettez qu’ils n’ont ni les uns ni les autres la prestance d’un bernique qui s’exclame en fin de réplique.
Peau de balle est juste vulgaire, tintin dénigre ce héros reporter et je vous passe le fameux dans le cul la balayette qui peut aussi s’employer même si ce n’est dans son sens premier. Balpeau, je le concède, est parmi les plus intéressants, que dalle demeurant contemporain pour sa part.
Bernique claque comme un refus ferme et définitif, un constat d’absence, un crève-cœur. S’il vous est répondu sachez que c’est foutu. Vous n’accéderez à rien, non, rien de rien. Bernique a clos l’affaire. Bernique crée de la déception car c’est une porte qui se ferme sur les doigts de celui qui présumait encore, il fait mal, il ruine tout espoir. Est-ce pour cela qu’envoyer au berniquet signifiait être ruiné ?
Mais bernique a été déclassé du langage, il n’a pas su s’accrocher au rocher comme son compère coquillage qui, lui, possède comme immense qualité de produire le matériau naturel le plus solide du monde, comparable aux fibres les plus résistantes du monde de l’industrie. La dent de bernique comme inspiration technique pour construire des avions, des immeubles, des fusées plus solides fera-t-elle pour autant sortir de ce dictionnaire désuet l’expression du néant ?
Ce serait bien la première fois qu’un mollusque viendrait en aide à la langue française mais toutes les bonnes volontés sont à considérer.
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