[fèr la bèt a dö do] (loc. animal. SEX.)
Dro-ma-daire : une bosse. Cha-meau : deux bosses.
Ainsi débute pour celui que la langue française chahutera au quotidien avec ses chausse-trappes et ses faux amis, l’apprentissage des choses de la vie.
Seuls les naïfs voyaient un procédé mnémotechnique ou, mieux encore, un penchant orientaliste à l’instar de celui du XVIIIᵉ siècle qui firent se prendre peintres et écrivains en goguette au Levant pour toton Cristobal ou d’autres découvreurs de terres lointaines, dans ce « cha-meau : deux bosses ».
Les coquins, eux qui avaient depuis longtemps digéré Gargantua, savaient ce que vaut cette bête à deux dos (beste à deux doz) dont Rabelais usait bien avant Brassens.
En effet, les deux bosses du chameau qui font donc la bête à deux dos ne poétisent aucunement sur la solitude du nomade dans le Haut Atlas mais narrent plutôt les amours adultères en va-et-vient synchrone.
Faire la bête à deux dos oscille au fil du temps entre Kamasutra niveau expert (कामसूत्र), amour courtois, et créativité de type Tourbillon cosaque ou Coup du Grand Vizir exacerbée par l’urgence vaudevillesque du retour prochain du mari trompé. Nous ne saurions trancher dans le vif et affirmer en ces lignes que l’une ou l’autre de ces acceptions possibles est la seule valable, mais quoi qu’il en soit faire la bête à deux dos demeure depuis toujours dans le registre olé-olé.
Même la précieuse tentative de corriger la langue licencieuse en introduisant faire de la bête à deux dos pour désigner un petit tour organisé de cavale exotique n’y fera rien. Faire la bête à deux dos caracolera en tête des expressions gaillardes cachant bien leur débauche derrière d’innocentes paroles¹.
Les spécialistes se perdent en conjectures sur la représentation posturale de ces deux dos, ne trouvant d’autre accord que celui sur la nécessaire présence de deux protagonistes pour effectuer la figure.
À titre d’exemple monte-là-dessus-tu-verras-Montmartre implique deux dos dont l’un horizontal et l’autre vertical, alors que regarde-par-la-lunette-arrière-je-crois-qu’on-nous-suit s’entend avec deux dos orienté dans le même sens. Et pourtant tous font la bête à deux dos.
Une concurrence mercantile entre les bestioles symboles explique la disparition de l’engouement porté au camélidé et celle de faire la bête à deux dos.
Sérieusement concurrencés par la bonhommie joueuse du panda protecteur de la nature et de l’environnement ou la figure tutélaire de l’ours blanc buveur de soda (ces derniers ayant eux-mêmes bouté hors du jeu le lapin rose jouant du tambour et la vache rieuse fromagère), le chameau à deux bosses et le dromadaire à une bosse perdirent les faveurs du public, entraînant dans leur retraite faire la bête à deux dos.
Voir le loup les attendait au coin du bois, mais ceci est une autre histoire.
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