[se bëré la biskòt] (loc. verb. PET. DÉJ.)
La langue surannée ne fait jamais dans l’à-peu-près. Elle est précise, chirurgicale, et la moindre de ses nuances fait bifurquer un sens. Ciselée comme une œuvre, elle fait d’une différence subtile un monde à explorer et c’est dans celui doux ou salé du beurre que nous allons nous plonger.
Prenez votre couteau, non pas pour débattre de la question du beurre salé dès le petit déjeuner (on a déjà assez à faire avec la querelle de la chocolatine et du pain au chocolat), mais bien pour étaler un peu de matière grasse sur une tranche de pain.
Bannissons tout de go le faux ami (qui n’est donc pas celui du petit déjeuner, l’ami Ricoré) : se beurrer la tartine n’a rien à voir avec se beurrer la biscotte. Et se beurrer la biscotte n’a quant à lui rien à faire du petit déjeuner, du brunch, du tea time ou de je-ne-sais quel moment où il pourrait apparaître opportun de se goinfrer d’une frugale tranche de pain grillé en deux cuissons.
J’aime me beurrer la biscotte
Se beurrer la biscotte c’est se laisser aller, se relâcher, n’en avoir que nenni à carrer du qu’en dira-t-on, s’en tamponner le coquillard question attitude personnelle, bref se vautrer dans la fange au propre comme au figuré. Le galvaudeux est celui qui parvient à se beurrer la biscotte avec le plus de délectation, car contrairement à ce que voudraient nous faire penser les gens bien comme il faut, ne se beurre pas la biscotte correctement qui veut.
Essayez donc de beurrer une biscotte comme ça, directement, sans formation. Le résultat sera immédiat : des miettes partout et rien de plus. Se beurrer la biscotte exige une discipline têtue, une rigueur absolue dans le laisser-aller, une gestion rigide de l’intempérance, un laxisme innocent, ce qui n’est pas donné à tous. Se beurrer la biscotte est un art; oui.
Le culte moderne de la réussite à longues dents blanches, du succès à 4×4 rutilant et à femmes trophées, qui se répandit à la fin des années surannées pour laisser libre court aux vantardises médiatisées des premiers de la classe, broya en mille morceaux se beurrer la biscotte.
De success story en business plans win-win, les héros au personnal branding clinquant comme une Porsche de footballeur empêchèrent quiconque désirant simplement se beurrer la biscotte de le faire.
La glandouille, le vautrage sur canapé, la contemplation du temps qui passe ou le jet de cailloux dans la mare n’ont plus droit de cité dans une époque de rentabilité.
Défense absolue de se beurrer la biscotte, il faut tout réussir. Et ça commence par ne pas se beurrer la biscotte en prenant son petit déjeuner au lit, ça fout des miettes partout !
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