[bidè] (n. m. HYG.)
Sanitaire peut rimer avec suranné, vous allez le découvrir ou vous remémorer. Apparue vers 1700 et des poussières, une vasque de céramique blanche¹ comme il convient de l’être quand on est un meuble d’hygiène corporelle est brusquement tombée en surannéité. Sa forme en demi-poire qui hantait les salles de bain française depuis que la Pompadour en avait popularisé l’usage disparut en un tour de main et deux coups de clef anglaise du plombier de service.
Vous l’avez reconnu, c’est le bidet.
Que tous ceux qui ont ne serait-ce qu’une seconde fait rimer dans leur tête « Il est laid le bidet, il est beau le lavabo » sortent dans l’instant.
Le petit cheval de selle du peuple, trapu et ramassé, que l’on dénomme bidet dès les années Rabelais, soit au XVIᵉ siècle, est déjà source de moqueries. Oui, il est bien laid ce bidet (c’est bon, maintenant que vous me l’avez mise en tête j’ai le droit moi aussi) court sur pattes, à la robe improbable mais peu importe puisqu’il n’est bon qu’à promener d’étranges équipages. D’Artagnan vient à Paris sur un bidet du Béarn, loin, très loin du cheval blanc d’Henri IV. À dada sur mon bidet, quand il trotte il fait des pets, prout, prout cadet, chante-t-il probablement même si le roman d’Alexandre Dumas demeure flou sur la question.
Quelques années plus tôt, le bidet est devenu cet instrument hygiéniste dont les surannés d’aujourd’hui se souviennent encore, puisque je vous l’ai dit, c’est Madame Jeanne Antoinette Poisson, Marquise de Pompadour qui en connaissait un rayon sur l’hygiène intime pour avoir survécu plus de vingt ans au milieux des maladies honteuses de la cour et se payer le luxe de mourir d’une congestion pulmonaire, qui en a fait l’éloge. La favorite de Louis XV a tôt compris que c’est grâce à cette simple cuvette qu’elle pourra faire montre de ses talents en toute sérénité et ainsi régner, malgré les nombreuses concurrentes du Parc-aux-Cerfs qui accueille les jeunes filles destinées au lit du roi.
On ne saurait dire exactement comment se propagea l’idée, mais le bidet s’installa ainsi peu à peu dans tous les foyers français jusqu’à en devenir un élément indispensable de salle-de-bain. Révolution sexuelle soixante-huitarde aidant, le bidet fit la fortune de l’industrie sanitaire et de sa porcelaine blanche. Il valait mieux être propre en ces temps où la bagatelle faisait loi, mais toi jeune moderne des années Sida tu ne peux pas comprendre.
Tout lasse, tout passe, le bidet disparut comme sa bienfaitrice deux siècles plus tôt. Vers la fin des années 70, trop encombrant aveu de mœurs dissolues ou devant laisser un peu de place au moderne combiné lave-linge sèche-linge, le bidet fut brisé. De là à en conclure que notre hygiène fut changée…
Il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas.