[bjê vy Sèrlòk] (expr. néolog. SAGAC.)
« Élémentaire mon cher Watson » aurait aimé lancer à son sous-fifre le célèbre détective Sherlock Holmes si l’on en croit les exégètes de l’œuvre d’Arthur Conan Doyle (qui ne contient pour autant jamais la phrase telle quelle malgré cinquante-six histoires).
« Bien vu Sherlock » aurait alors adoré lui répondre l’arpète, mi-subjugué, mi-insolent.
Bien vu Sherlock est ainsi ambiguë.
Expression soulignant a priori la perspicacité d’une analyse ou la sagacité d’une vue de l’esprit, elle peut aussi s’avérer une moquerie. Les liens de subordination évoqués ci-dessus le démontrent : bien vu Sherlock s’inscrit dans la dialectique du maître et de l’esclave hegelienne à cet instant précis où le rapport de domination disparaît et où Watson peut demander l’égalité.
C’est bien entendu cette acception qui va faire l’immense succès de bien vu Sherlock pendant toutes les années surannées, l’expression étant balancée à tire-larigot au moindre responsable de la photocopieuse suggérant une analyse aussi révolutionnaire que celle de l’absence de papier dans la machine comme source de son dysfonctionnement, ou à tout consultant de plateau télé concluant qu’il faudrait une bonne guerre pour que les affaires se portent mieux.
Bien vu Sherlock est alors l’une des répliques clouant le bec les plus courues tant elle claque alors qu’elle semble flatter.
L’émergence de héros modernes en slip jaune et justaucorps rouge, considérés comme plus virils et surtout capables d’aller plus loin que deux intellectuels en Loden et costume de tweed de Savile Row, marquera la fin des aventures de Holmes et Watson. Et conséquemment la fin de bien vu Sherlock remplacée par exemple par you’re god damn right.
Les deux comparses, qui outre leur affinité à débusquer les vilains partageaient aussi un appartement au 221B Baker Street (Londres), quittent la scène en emportant avec eux bien vu Sherlock.
Bien vu Sherlock se range alors au rang des mythes et expressions surannées, magnifiée une dernière fois en 1978 par Gerry Rafferty et son 45T Baker Street dont le solo de saxophone qui lui est un hommage marquera l’été, malgré un rythme trop rapide pour être envisagé comme un slow¹ (mais ceci est une autre histoire).
Bien vu l’aveugle se fait un temps le porte-parole des effrontés mais son caractère sans finauderie ne lui vaudra guère de succès.