[lé blaɡ de toto] (monum. HUMO.)
L‘esprit railleur permet à l’Homme de survivre, comme le souligne Beaumarchais qui se « presse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer », à quelque époque que ce soit.
Trouvant son expression au temps du suranné dans la forme privilégiée du trait d’esprit, l’humour s’est ainsi doté au fil des siècles de solides fondations assurant l’aura du rigolo de la classe pendant les pénibles cours de maths ou celle du tonton blagueur au tout autant écrasant repas de mariage.
La forme comique que nous étudions savamment en ces lignes n’est ni de situation, ni de gestes, ni de caractère, ni de mœurs ou de répétition, mais bel et bien de mots, soit la plus puissante de toutes même si, convenons-en, la disparition des spectacles pétomanes lui a laissé une voie royale.
Les blagues de Toto sont une quintessence de ces mots hilarants des années surannées. Mettant en scène Toto, surnom diminutif de Salvatore ou Antonio probablement venu d’Italie, garnement sympathique et naïf qui renvoie au cours de ses aventures narrées par ces fameuses blagues, ses incohérences patentées au monde des adultes.
Toto mange très salement, alors son père s’écrie :
– Mon fils, tu manges comme un goret ! Sais-tu au moins ce qu’est un goret?
– Ouais p’pa ! c’est le fils d’un cochon…
Se transmettant oralement et principalement en cour de récréation, les blagues de Toto font aussi office d’initiatrices aux choses de la vie, n’hésitant pas à aborder tous les sujets tabous : religion, comment on fait les bébés, alcoolisme, scolarité, etc. Elles en dépanneront plus d’un en quête de réponse sur des interrogations existentielles…
– Bonjour madame la Directrice, je vous téléphone pour vous dire que Toto ne viendra pas à l’école, car il ne se sent pas très bien aujourd’hui !
– Ce n’est pas grave au moins ?
– Non, non, ne vous inquiétez pas. C’est sans doute un rhume, pour éviter toute complication, il restera à la maison bien au chaud devant la télévision.
– Devant la télévision ? Mais qui est à l’appareil ?
– Ben… c’est papa !
Les blagues de Toto éclaireront depuis le XIXᵉ siècle¹, et pendant des dizaines d’années, des élèves ignorants puisque même le sacré tableau noir fait appel à ses services pour expliquer le néant quantifié : zéro plus zéro égale la tête à Toto, nous enseigne le digne barbacole, nous faisant découvrir l’abîme créé par ce chiffre et nombre né chez les Babyloniens vers -400, tout en préférant en sourire avec le dessin d’une bouille ébaubie aux yeux écarquillés.
Les blagues de Toto furent poussées de l’estrade par le rire venu d’outre-atlantique d’hommes debout seuls en scène, pratiquant une forme d’humour qui les autorise à nous narrer leurs petits tracas quotidiens qui sont aussi les nôtres. Le talent disparate de ces conteurs contemporains, et très souvent contents d’eux-mêmes², fit oublier les blagues de Toto bien trop classiques et empreintes d’expressions surannées indéchiffrables pour les professionnels nouveaux du rire en boîte.
On ne se gondole plus avec tonton Toto, ton thé t’a t-il ôté ta toux ? Tout étant à tenter, Toto, pour que tout aille, ta tante et ton tonton t’ont ôté tour à tour, ta toque et ton tutu, atout de ta beauté…tant tentant son ton teint et ta tête et ta taille !
L’humour est trop sérieux mon bon Monsieur pour le laisser aux blagues de Toto.