[ètre bôn- a vâdre vaS fwaröz] (loc. foir. SÉR.)
Temps fort de la vie commerciale de tout canton depuis 1219 et sa première à Beaucroissant (Isère), la foire aux bestiaux n’est pas un sujet de rigolade contrairement à l’image qu’en possède le moderne qui n’aime rien plus qu’y déambuler pour y tâter le cul des vaches et glaner quelques précieuses voix pour les futures élections (si l’ambition de représenter le peuple le porte, évidemment).
C’est en lien direct avec cette componction surannée du lieu qu’est née l’expression être bon à vendre vache foireuse qui signifie donc tenir un propos avec le plus grand sérieux (et non posséder des capacités hors du commun à refourguer un bovidé flatulent au premier gogo venu comme certains l’entendent).
Qui est bon à vendre vache foireuse ne laisse jamais échapper un sourire (mais peut en revanche y aller de son soupir) et affecte en tout instant une rectitude qui laissera à penser qu’il a pu s’insérer un balai dans le fondement.
La gravité en tout est sa disposition d’esprit : le gag éternel du coussin péteur ne lui arrache pas un rictus, et comment vas tuyau de poêle n’est pas sa question préférée puisqu’elle ne peut se poser avec l’air ampoulé.
Si l’homme est le plus concerné par cette attitude scrupuleuse surjouée, la femme peut aussi être touchée. Lorsqu’elle est bonne à vendre vache foireuse, la mégère revêche est aussi dite pie-grièche, composant un ensemble ornitho-bovinesque cocasse mais éloigné de la réalité de ces deux paisibles bestioles; la langue d’autrefois fait parfois des détours étranges.
Chaque village de France s’évertuant chaque année à exposer lors de son comice agricole veaux, vaches, cochons pomponnés pour l’occasion, être bon à vendre vache foireuse s’égaillera aux quatre coins du pays jusqu’à devenir l’expression de référence, devançant au passage la très sophistiquée empesé de la gourmette qui fait cependant plus dans l’attitude que dans le bagou.
Le 9 mars 1964, le Salon international de l’agriculture ouvre ses portes à Paris pour la première fois.
Dans cette foire moderne, 300 000 visiteurs viennent admirer Marguerite et ses consœurs sans toutefois envisager un instant de les acheter, une vache pouvant difficilement s’installer dans un deux pièces cuisine à Montrouge. Être bon à vendre vache foireuse débute alors son chemin vers l’oubli.
Cinquante ans et 700 000 visiteurs annuels plus tard celui qui rit seulement quand il se brûle n’a plus rien à vendre d’autre que sa triste majesté. Une bonne raison pour l’envoyer paître.
Adieu, veaux, vaches foireuses.