Le bout de la rue fait le coin [le bu de la ry fè le kwê]

Jacques II de Chabannes de La Palice

Fig. A. Jacques II de Chabannes de La Palice.

[le bu de la ry fè le kwê] (loc. verb. GPS)
Quand la banalité se glisse dans la conversation, le suranné agacé recadrera son interlocuteur avec quelque formule expressive dont sa langue conserve le doux secret. Il n’est cependant pas évident que le profane y entende toute la moquerie qu’elle contient.

Pourtant, le bout de la rue fait le coin est cinglante en réponse.

Surenchère dans le truisme, le bout de la rue fait le coin est généralement utilisée comme docte maxime clôturant une conversation inepte sur les circonvolutions amoureuses des puissants de ce monde ou les pérégrinations estivales d’un anticyclone faisant pleuvoir en été.

Bien placée elle pourra générer un silence prolongé correspondant au temps nécessaire à l’analyse de l’affirmation par l’interlocuteur ou, parfois, d’un immédiat « oh-la-la-m’en-parlez-pas-je-le-disais-encore-hier-à-cette-pauvre-Madame-Musquin » en signe de défaite de la pensée.

C’est qu’il n’est pas commun de rétorquer à l’évidence par une Lapalissade.

Notons au passage que Jacques II de Chabannes de La Palice, seigneur de La Palisse, de Pacy et de tant d’autres seigneuries qu’il serait éreintant de les énumérer ici, qui doit la postérité à son célèbre épitaphe « Ci-gît le seigneur de La Palice, s’il n’était pas mort, il serait encore en vie » plus qu’à son réel courage sur les champs de bataille, n’est pas l’auteur de le bout de la rue fait le coin.

En effet, le bout de la rue fait le coin ne signait pas son blason de gueules au lion d’hermine, armé, couronné et lampassé d’or.

C’est à une simple mais pour autant erronée lecture du ∫ en s et non en f, que l’on doit au sieur la réputation que le bout de la rue fait le coin (ou Lapalissade) que la brave homme se traîne depuis cinq siècles. Il fallait lire : « il ferait encore envie » et non « il ∫erait (serait) encore en vie » !¹

Il est ce faisant peu probable qu’on découvre un jour d’où provient le bout de la rue fait le coin. Les rues et leurs coins sont bien trop nombreux en France pour qu’une étude sérieuse s’attache à déterminer si c’est à celle de Youri Gagarine à Colombes ou à l’avenue Victor Hugo à Paris à laquelle il est fait allusion.

C’est cela dit sans importance puisque le bout de la rue fait le coin est devenue surannée depuis l’apparition du GPS et de sa riche conversation sans fin enjoignant au moderne qui lui confie son destin de pèlerin de tourner à droite puis tourner à gauche, et au rond-point prendre le deuxième sortie.

C’est désormais la machine qui parle pour ne rien dire, mais à elle il n’est pas question de répondre.

¹Authentique.

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