[ˈbreɪdə ˈstriːt] (n. voir. COQU.)
A priori, avec ses 11,69 mètres de large et ses 210 mètres de long, la rue Breda – du nom de son propriétaire autorisé par ordonnance royale le 21 avril 1830 à faire d’un passage qui lui appartenait une rue publique de Paris – ne peut pas être l’artère la plus fréquentée de la capitale.
Pourtant, la Breda Street comme on dit depuis que F. Baumaine et Ch. Blondelet lui ont composé une chanson interprétée par la gouailleuse mademoiselle Lassény, attire le badaud.
🎶L’Écol’ Lyriqu’ fait d’la Lorette
Un’ comédienne au petit pied,
Là, Fifine, Alic’, Pomponette,
À Melpomèn’ servent de trépied
C’est qu’à la Breda Street exerce la Lorette, cette jeune femme qui attend ses Arthur qui vont lui verser une obole en échange de quelques faveurs. Dans le quartier Saint-Georges, autour de cette nouvelle église Notre-Dame-de-Lorette où traînent aussi peintres et écrivains (Jules et Edmond de Goncourt logent au 1 de Breda Street), ça harangue le micheton à tire-larigot.
Eugène Delacroix, Gustave Moreau, Alexandre Dumas, Frederic Chopin, Victor Hugo, Pissarro, Claude Monet, Paul Gauguin, marchent Breda Street puisqu’ils habitent dans ce quartier de la Nouvelle Athènes bâti par l’architecte Auguste Constantin.
Il n’en faut donc pas plus pour que la Breda Street s’installe dans le langage et devienne rapidement l’appellation contrôlée de toute rue où l’on passe pour mener Totoche à Medrano, y compris hors IXe arrondissement de Paname.
Les mœurs de la Breda Street seront aussi à l’origine de l’expression essuyer les plâtres, les appartements neufs étant loués par les promoteurs aux Lorettes pour qu’elles puissent y exercer leurs talents et pendre la crémaillère de fort belle manière en attendant que le coin s’assagisse. Certains attribuent aux mêmes protagonistes celle de grimper aux rideaux, mais contrairement aux plâtres, sans véritable explication.
En 1905 la rue change de nom pour être dédiée à feu Henry Monnier, caricaturiste, illustrateur et acteur qui s’y connaissait en gaudriole et cachoteries¹ et méritait bien un hommage cadastral pour sa fameuse tirade « On devrait construire les villes à la campagne, l’air y est tellement plus pur ! »².
Malgré le trait souvent coquin (cf. fig. B) de celui dont la rue porte désormais le nom, l’adresse perd un peu de son intempérance bon marché et l’ancienne Breda Street voit le prix de son mètre carré s’enflammer, chassant les dernières Lorettes : les plâtres sont secs, place aux bourgeois, aux grandes horizontales, aux femmes du demi-monde et aux cocottes.
On n’est plus Breda Street mais derrière les carreaux brouillés, ça se tirlipimponne toujours le chihuahua.