[le bys a platfòrm] (21 gare St-Laz. RAT.)
Alors il vous fallait la climatisation, il vous fallait des sièges de velours au rembourrage digne de votre auguste fessier, il vous fallait un air pur sans particules nocives de diesel, il vous fallait du confort et du moderne. Je vous comprends (j’aime bien mon petit confort moi aussi) mais saviez-vous ce faisant qu’en réclamant tout ça vous envoyiez dans une casse le plus suranné des modes de transport urbains ?
Vous mériteriez que je me fâche tout rouge mais comme je suis dans un bon jour je vais en quelques lignes vous rappeler qu’exista en des temps surannés le bus à plate-forme.
Le premier autobus à plate-forme arrière comme on dit quand on est ingénieur chez Renault sort d’usine dans les années 1930, suivi par d’autres modèles intégrant des modifications dont je vous épargnerai les détails étant bien incapable de les comprendre moi-même (je n’ai aucune passion particulière pour les châssis K63C et D ou TN4H, je sais, c’est un tort mais j’ai mes failles).
L’intérêt de ces centaines de bus qui viennent rouler sur le pavé parisien sous l’enseigne de la Compagnie Générale des Omnibus puis de la RATP réside dans leur vestibule arrière à entrée latérale ou à entrée arrière, en langage courant : la plate-forme.
Quand je suis sur la plate-forme je peux mettre le nez au vent, je peux pencher la tête sur les côtés (et me faire remonter les bretelles par ma mère qui n’aime pas ça) et ne croyez pas que j’affabule, les bus à plate-forme circulent encore sur la 21 entre la gare Saint-Lazare et la porte de Gentilly en l’année surannée 1971. Jusqu’en 2001 (cette fois on est en pleine modernité) je prendrai le 29 qui roule entre l’anonyme porte de Montempoivre et toujours Saint-Lazare pour le plaisir de me tenir debout à l’air libre et traverser Paris en parlant aux cyclistes, en saluant les passantes et en tirant la langue aux taxis énervés qui bouillonnent derrière ce bus à plate-forme qui n’avance pas assez vite à leur goût.
La normalisation d’un confort qui ne pourra donc pas demeurer extérieur a eu raison du dernier bus à plate-forme disparu dans les premières années de ce troisième millénaire. Des vitres assombries protègent désormais le passager d’un soleil qui pourrait l’éblouir et des filtres contrôlent sévèrement l’air qu’il respire sans que cela l’émeuve puisqu’il est yeux rivés et oreilles verrouillées sur son iPhone connecté en 4G.
Dans le sens de la marche il va désormais cheminer dans Paris sans remarquer une passante élégante, une vitrine affriolante, un nouveau bistrot qui pourrait faire envie. Le 21 roule aujourd’hui en hybride grâce à ses moteurs électriques et son système stop-and-start, c’est bon pour la santé publique. Mais pourquoi Diable lui avoir supprimé la plate-forme ? Je vais finir par croire que le plaisir est aussi une notion surannée.