[byvar] (n. masc. PAP.)
Si boire comme un trou n’est guère recommandé par l’académie de médecine, les ligues de vertu et la maréchaussée, cela l’est en revanche très largement encouragé par les tenants des pleins et déliés.
Un peu comme si votre bon barbacole vous répétait « boire ou conduire, il faut choisir, boire et écrire, sans coup férir », en quelque sorte. Car c’est bien à l’école que cette pratique soûlante est promue. Étrange n’est-il pas ?
Ce ne sont cependant pas le gosier et la panse qui seront utilisés dans ce cas mais un simple et ô combien suranné buvard de papier. Bien loin de l’arsouille, le buvard en possède cependant la capacité à absorber le liquide, et ce, qu’il soit alcoolisé ou non. D’ailleurs c’est plus souvent sur l’encre que se rue le buvard, quand on sait bien que le soiffard qui a la dalle en pente lui préfère les liqueurs.
Le buvard est l’outil du baveux, pas celui des prétoires mais icelui qui trempe la plume¹ pour déclarer sa flamme, ses impôts ou pamphlétiser sur un puissant qui se prend un peu trop au sérieux. Ce buvard lui permettra d’absorber sa verve qui déborde et qui tache le papier de ses exubérances. Grâce au buvard, pas de souillure, ce qui est préférable pour dire je t’aime ou je te hais.
Mélange de pâtes à papier au bisulfite et à la cellulose, le buvard qui aurait pu naître au XVᵉ siècle connaît son heure de gloire dans les années sans écrans qui n’en omettent pas pour autant de chercher le client pour des produits à vendre. Le buvard est alors un support publicitaire aussi prisé que trente secondes sur TF1 quelques dizaines d’années modernes plus tard. Les plus grands s’y collent en illustrant l’innovation selon Bic (Savignac), la force de la moutarde Parizot (Poulbot), le pouvoir embellissant de Petrol Hahn (Cassandre), et font ainsi les délices des petits écoliers qui deviendront de grands papibeverophiles égayant les dîners des mercredis soirs de leurs amis en leur exposant leur passion collectrice.
C’est le stylo quatre couleurs (du même Bic), qui fera aussi la fierté de petits écoliers qui, eux, deviendront plus tard responsables de la photocopieuse du troisième étage et des trombones (mais ceci est une autre histoire), qui envoie le buvard en surannéité.
Sans encre renversée à aspirer, le buvard n’a plus de raison d’exister. La manne publicitaire l’abandonne, elle a des yaourts à promouvoir en soupirant et en se pourléchant. Le buvard est fini.