[byvër de tizan] (n. com. TEA.)
Versez de l’eau chaude sur une feuille séchée et broyée, laissez tremper quelques minutes et obtenez ainsi un breuvage que la langue surannée trouvera tellement ridicule qu’elle lui consacrera une expression péjorative.Être traité de buveur de tisane n’est en effet pas un louange. La fadeur du mélange comparée au gouleyant de la macération d’un raisin dans une cuve, à la puissance de la distillation de fruits du verger ou à la virilité de la fermentation d’une pomme de terre en fait un objet de moquerie qui touche évidemment son consommateur.
Plus encore, sur l’échelle de la boisson à éviter pour vivre en bonne santé, la tisane est au bas, frôlant le néant absolu. Précisons que l’échelle d’Arsouille, qui comprend Boisson d’homme/Tord-boyaux/Chasse-cousin/Pisse de chat/Tisane, a été élaborée en 1453 après la bataille de Castillon qui met fin à la guerre de Cent Ans et boute définitivement l’Anglois et son eau chaude aromatisée à la bergamote hors de France. Car le buveur de tisane c’est lui, l’ennemi qui lorgne sur la couronne de France depuis un siècle.
Avec le temps et l’apaisement des tensions voire le rétablissement d’une certaine forme de confiance (qui ira jusqu’à confier au Grand-Breton la lourde tâche de fabriquer des voitures présentables, mais ceci est une autre histoire), le buveur de tisane deviendra cet être de peu de foi en l’œnologie, et l’opprobre pourra toucher quiconque ménage un peu trop son foie en des occasions où les libations s’imposent.
Pisse-froid, pisse-vinaigre, sont les synonymes logiques de buveur de tisane puisque la boisson en question est avant tout destinée à favoriser la miction. C’est donc en ce sens défavorablement connu des services linguistiques qu’elle profitera des années où l’on sert de l’alcool à la cantine et où un petit dernier pour la route – mais pas plus haut que le col – ne peut pas faire de mal, pour s’épanouir.
Les promesses mercatiques de Nuit tranquille, Grand calme, Ligne svelte et autre Drainage & élimination devenant primordiales dans un monde moderne qui vend de la Réussite aux examens en sachets à infuser avec le même aplomb que le Professeur M’Bamba garantissant le retour de la chance, de l’être aimé et des chaussettes perdues sous 48-heures-chrono-comme-La-Redoute-garanti-sinon-remboursé, auront raison de buveur de tisane comme signifiant puritain du goulot. Un principe fondamental du commerce veut qu’on ne se moque pas ouvertement du client (qui plus est quand on le prend pour un gogo).
Le désavantageux buveur de tisane s’efface et devient suranné comme le buveur de tisanes en tous genres facturées en fonction de leurs pouvoirs thaumaturges devient quant à lui un chaland.
Pas bégueule pour deux ronds, le buveur de tisane qui en a vu d’autres depuis sa création laissera pisser le mérinos et rejoindra les amis au Balto pour payer sa tournée maintenant qu’il n’est d’aucune utilité.