[kabinɛ də kyʁjozite] (n.m. ANTHROP.)
Divin fatras, génial amoncellement, ordonnancement accumulé, foutoir organisé, le cabinet de curiosités est la plus fabuleuse des pièces d’une maison. Il est tout aussi fondamental qu’une salle de bains, tout aussi indispensable qu’une cuisine, tout aussi nécessaire qu’une chambre, qu’on se le dise. Mais des promoteurs pressés ont voulu l’oublier, le rendant suranné. Les maudits que voici !
Le cabinet de curiosités sent l’encaustique et une poussière légère s’agite dans les raies de lumière qui le baignent. Il est calme et paisible car ses objets, ses livres, ses sculptures, ses momies, ses parchemins, ses disques, ses bijoux, ses trophées se répondent. Il a évidemment un crocodile, naturalisé pour l’éternité, trophée ramené d’une terre Afrique accroché à l’envers au plafond. Qu’y puis-je ? C’est une figure incontournable ! Et regardez cette précieuse statuette Zapotèque glanée si loin là-bas, elle se sent à l’abri sous sa coupole de verre, et ce totem Papou arraché à sa forêt du Sépik, il continue ici d’invoquer ses ancêtres guerriers. Au sol, appuyées sur un mur, des toiles, certainement précieuses, on verra ça plus tard. C’est du jazz que j’entends sur ce vieux tourne-disque qui persiste à fonctionner encore, à la Grâce de Dieu; oui, c’est Bill Evans « We will meet again », un doux présage ? Allez, attrapons un bouquin et avec quelques vers de Baudelaire je suggère une sieste bien calé dans ce vieux fauteuil club. Il fait chaud, le chien dort à mes pieds.