[kalâbredèn] (subst. fém. MENT.)
Comme souvent quand il s’agit de prendre la lumière avec des explications pompeuses, ça se bouscule au portillon. Ceux qui savent ont bien des choses à nous dire sur l’origine d’un mot qui pourrait parfois fort à propos décrire leurs élucubrations mais ils n’en ont cure et font défiler leurs arguments en ferraillant. Car ceux qui savent ne sont vraiment pas d’accord entre eux, les uns glosant sur l’arabe kalem bour (كلام بور), les autres nous parlant d’une histoire de contes germaniques mettant en scène un espiègle abbé du nom de Calemberg.
Dans les deux cas il nous faut passer par calembour puis par le suisse calembourdaine pour enfin aboutir à notre étude. Que le chemin fut long et semé de théories plus ou moins ridicules pour en arriver là. Quand la foutaise se nourrit des thèses qui cherchent à l’expliquer, le langage suranné lui s’en donne à cœur joie et nous concocte un mot plaisant à déguster : calembredaine.
Même si calembredaine a une filiation embarrassée, elle n’en demeure pas moins noble et sophistiquée avec ses nombreuses syllabes, gage de sérieux, qui viennent contrecarrer une sonorité prêtant plutôt à rire. C’est là sa force. Calembredaine pousse l’extravagance, grossit le trait, et fait d’une broutille quelconque une menterie éhontée qui fera bredouiller puis fuir celui qui s’en retrouve blâmé.
Calembredaine écrase de sa superbe les mensonges, sornettes, fanfaronnades, et même les surannées escobarderies et rodomontades, c’est dire ! Calembredaine est bien au firmament de la définition de la tromperie crâneuse.
Notons qu’elle est très rarement singulière. Calembredaine se déplace en troupeau, au pluriel. Car elle aime s’ériger en système, la belle calembredaine, poussant le cochonnet un petit peu plus loin à chaque nouvelle idée tordue, se nourrissant de ses propres élucubrations¹.
L’algorithme moderne trituré en secret par les bâtisseurs de vérité monnayable en publicité a remplacé calembredaine. Le mot qui prend les atours de la pertinence mathématique est désormais celui qui a raison, celui qui dit la vérité. Et pourtant…
Calembredaine n’aura jamais été autant d’actualité et pourtant elle s’assoupit, vouée au suranné. Paradoxe googléen de ce siècle qui n’aura jamais tant eu accès à tout ce qui fait le raisonnement et qui promeut celui qui parle le plus fort. Tâchons de ne pas oublier totalement calembredaine, elle pourrait nous servir. Et elle est tellement plus appétissante que fake news.