Catégorie : Faits divers

Comment ça va la p’tite santé ? [kɔmɑ̃ sa va la ptit sɑ̃te ?]

Fig. A. Hippocrate en bonne santé.

[kɔmɑ̃ sa va la ptit sɑ̃te ?] (quest. intro. TF1)

Le 9 décembre 1975, l’un des pontes du langage voue à la surannéité une phrase du quotidien le plus banal qui soit en en faisant son incipit interviewesque. C’est là l’un des rares cas de désuétude spontanée.

Étudions-le.

Reporter son fusil à la mairie [ʁəpɔʁte sɔ̃ fyzi a la mɛʁi]

Fig. A. Gardes Nationaux de moins de cinquante ans.

[ʁəpɔʁte sɔ̃ fyzi a la mɛʁi] (loc. verb. COMM.)

Il est des constructions parfois étranges dans le langage suranné.

Oui, l’expression qui se présente en ces lignes pourrait au pire nous sembler belliqueuse, au mieux nous faire comprendre que l’avancement dans l’âge est un naufrage.

Faites cuire les coquillettes al dente dans une grande quantité d’eau bouillante salée.

 

Coupez le jambon blanc en lamelles et incorporez aux coquillettes.

 

Servez dans une assiette en Arcopal®.

 

Saupoudrez d’emmental râpé ou ajoutez crème fraîche et œuf selon votre goût.

 

Dégustez en regardant un épisode de Nounours ou Daktari.

 

Brossage des dents, pipi et au cinéma des draps blancs.

 

Fig. A. Les coquillettes.

Passer par le chemin de Shanghaï 上海 [pase paʁ lə ʃəmɛ̃ də ʃɑ̃ɡai]

le chemin de Shanghaï

Fig. A. Joe le taxi.

[pase paʁ lə ʃəmɛ̃ də ʃɑ̃ɡai] (loc. circul. TAX.)

Le chauffeur de taxi fait partie intégrante des personnages surannés de la ville d’antan, dédiée à la voiture carrossée comme une fille qu’on voit dans Elle (mais ceci est une autre histoire).

Sans le franc-parler et le répertoire imagé de cet artisan de la route proposant par exemple à un autre locataire de la voie publique d’aller se faire empapaouter, le langage ne serait pas le même.

Faire d’une rose un artichaut [fɛʁ dyn ʁoz œ̃n- aʁtiʃo]

Faire d'une rose un artichaut

Fig. A. Charles II d’Espagne.

[fɛʁ dyn ʁoz œ̃n- aʁtiʃo] (loc. hortic. ART.)
Après s’être heurtés pendant des siècles à la mesure du beau et du laid dans l’art et à la difficulté de réfuter les élucubrations enthousiastes d’un barbouilleur anonyme ou d’un maître auréolé de sa réputation, les hommes au bon sens suranné ont choisi le domaine horticole pour établir une échelle du loupé.

Passer par l’alambic [pase paʁ lalɑ̃bik]

Passer par l'alambic

Fig. A. La distillation de l’eau-de-vie.

[pase paʁ lalɑ̃bik] (loc. alcoo. EAU-DE-V.)

Le bouilleur de cru, éminent personnage des années surannées, a eu deux heures de gloire.

La première fut celle de dégustation de sa production toujours virile, parfois goûtue, souvent curieuse et demandant à être renouvelée pour se faire une idée.

Aller cueillir la noisette [ale kœjiʁ la nwazɛt]

Fig. A. Mignonne.

[ale kœjiʁ la nwazɛt] (loc. horti. AVEL.)

Bien qu’un célèbre et enjôleur poème floriculteur – qui en fit trembler plus d’un debout sur l’estrade devant la classe entière tandis qu’il en ânonnait les vers – propose depuis 1545 à une mignonne d’aller voir si la rose qui ce matin avoit desclose sa robe de pourpre au soleil a point perdu ceste vesprée¹, la langue surannée s’est sentie obligée de lui donner un synonyme tout autant horticole mais un peu moins complexe (la fameuse vesprée) pour faire part de la recherche d’un endroit tranquille propice aux ébats amoureux.

Aller à la riflette [ale a la ʁiflɛt]

Aller à la riflette

Fig. A. Riflette au Chemin des Dames.

[ale a la ʁiflɛt] (loc. guerr. FRON.)

Il est possible que dans un élan primesautier destiné à minimiser le fait d’aller mourir pour des idées (et le plus souvent celles des autres qu’on n’aura d’ailleurs pas totalement comprises – même si ceci est une autre histoire), le langage suranné ait créé cette expression pour signifier qu’il va falloir partir à la baston.

Être marqué à l’A [ɛtʁə maʁke a la]

Fig. A. © Michel Noury, Tomás Ibañez.

[ɛtʁə maʁke a la] (loc. alphab. ANAR.)
Si la langue surannée est bien souvent canaille, usant de tournures capables de faire rougir un bataillon de légionnaires et s’évanouir des précieuses de salon, elle a aussi ses périphrases pudiques, ses minauderies, ses embarras quand elle doit signifier tout le bien qu’elle pense de quelqu’un.