Catégorie : Faits divers

Je vous saurais gré de bien vouloir… [ʒə vu sɔʁɛ ɡʁe də bjɛ̃ vulwaːʁ…]

Fig. L. Je vous saurais gré de bien vouloir et cætera.

[ʒə vu sɔʁɛ ɡʁe də bjɛ̃ vulwaːʁ…] (conjug. LOC.)

Est-ce l’emploi complexe de la formule ou plutôt l’absence décomplexée de toute forme de gratitude ou de reconnaissance qui l’auront rendue surannée ? Je ne saurais vous dire, mais force est de constater que savoir gré tombe rarement au bon endroit au bon moment. Certains maladroits « sont gré » et abîment un peu plus la vieille locution qui ne peut hélas pas se rebiffer, maudit sois-tu conditionnel qui fait se confondre savoir et être. Je vous saurais, je vous serais, après tout, être ou savoir qu’importe, on n’est plus à ça près. Mais je suis trop exigeant, je sais.

Casser sa pipe [kase sa pip]

casser sa pipe

Fig. S. Ceci n’est pas la faucheuse.

[kase sa pip] (exp. fam. MOUR.)

Oh rassurez-vous, si je puis dire, la faucheuse n’a pas démissionné, loin de là. Mais son expression a bien changé elle. On ne casse désormais plus sa pipe, on décède, on s’en va, on est emporté par une longue maladie, tout juste meurt-on dans certains cas les plus vils. La formule avait pourtant de l’image, un peu confuse soit, mais elle était poétique. Elle nous parlait du grand-père assis dans son fauteuil en cuir, du feu de cheminée et des histoires d’il y a bien longtemps qu’il nous racontait. Le parfum de son Amsterdamer ou de son Butterfly que j’aimais bien renifler en cachette, sa collection de pipes aux formes toutes différentes, ses petits rituels lents et maîtrisés… tant de moments délicieux. Tout ça aurait donc une fin.

Vieille baderne [vjɛj badɛʁn]

Vieille baderne

Fig. A. Vieille baderne.

[vjɛj badɛʁn] (exp. SURAN.)

Aujourd’hui nous ferons dans le meta-suranné. Oui, dans le suranné suranné.

Tout simplement parce que vieille baderne signifie suranné et que vieille baderne est surannée.

Train de nuit [tʁɛ̃ də nɥi]

Fig. J. Train de nuit. Musée SNCF.

[tʁɛ̃ də nɥi] (SNCF)
Mais bien sûr que le train de nuit est suranné. La preuve est qu’il n’existe plus, ou presque.

La grande vitesse l’a remisé au fond de la gare d’Austerlitz, et encore.

Fini les voyages au long cours avec des provisions pour un repas et un petit déjeuner, les couvertures qui grattent et les voisins qui ronflent plus fort que le tactac tatoum.

Fini les clopes fumés dans le couloir, la fenêtre ouverte même si é pericoloso sporgersi.

Fini les longs dialogues avec une inconnue parce qu’on a le temps de se parler puisqu’on en a pour 15 heures. Et ces trrrrrrois minutes d’arrêt à Brive-la-Gaillarrrrde, je les adorais, au petit matin. Je veux aller lentement, je veux mon train de nuit.

Folâtrer [fɔlɑtʁe]

Fig. A. Eau forte : « folâtrer ».

[fɔlɑtʁe] (verb. LÉG.)

Dans une époque pétrie de rentabilité, d’efficience et de rendement, folâtrer est devenu suranné en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, même en insistant longuement sur son â accentué… C’est dire.

Coupable est désormais celui qui s’en ira batifoler dans les herbes ou qui simplement prendra le temps de humer ce parfum de gazon que l’on tond au printemps. Vilipendé sois-tu si par hasard tu avais pris un moment pour t’asseoir sur un banc et regarder les enfants s’inventer un monde qu’il n’auront pas le courage de bâtir une fois devenus grands. On ne folâtre plus camarade d’ici bas. Garde ce verbe pour tes lectures si tu en as encore, oublie-le il est d’un autre temps.

Hôtel de la Plage [otɛl də la plaʒ]

Fig. A. L’hôtel de la plage.

[otɛl də la plaʒ] (lieu. HÔT.)

Où qu’il se cache ou se pavane, sur quelque côte que ce soit, fouetté par les embruns ou caressé par le soleil, l’Hôtel de la Plage est là, majestueux, sage, doux, amical et accueillant. Tant de belles choses depuis tant de générations se sont jouées sous ses fenêtres qu’il pourrait nous en parler pendant des heures de ces rencontres, de ces regards, de ces premières fois; mais il se contente de nous cajoler avec bienveillance du haut de son enseigne peinte qui n’a pas dû bouger depuis cent ans. L’Hôtel de la Plage est le lieu de vacances le plus suranné qui soit avec ses escaliers en bois ciré, ses portes lourdes qui grincent un peu, ses armoires normandes, ses édredons… Je n’y vais plus depuis longtemps.

J’y reviendrai.

Péronnelle [pɛʁɔnɛl]

Fig. A. Péronnelle baguenaudant.

[pɛʁɔnɛl] (fem. CON.)

La péronnelle aime à pérorer. C’est un fait. Et plus la péronnelle pérore plus elle devient décor. La péronnelle picore, elle va de ci de là minauder quelques idées banales dont elle aimerait nous faire croire qu’elles ne sont pas si niaises. Mais las, la péronnelle nous lasse avec ses fadaises qui n’ont même pas l’ultime vertu de la mettre mal à l’aise.

Notons que la langue surannée a toujours le délicieux égard de traiter la gent féminine avec des mots révérencieux. Pour un homme, péronnelle se dit « importun ». Voire « con ».

 

Faire le zouave [fɛʁ lə zwav]

Faire le zouave

Fig. Z. Infanterie française et ses Zouaves.

[fɛʁ lə zwav] (bêti. ALMA.)

Il y avait de l’affection, j’en suis certain, quand mon père me tançait d’arrêter de faire le zouave.

Ce protagoniste là (je parle de moi) n’avait alors pas grand-chose de nuisible, il faut bien le reconnaître, sans son uniforme singulier à la culotte rouge si reconnaissable et son fusil à baïonnette. Et puis les dégâts que je pouvais commettre étaient tout de même bien loin de ceux d’un régiment de biffins du Second Empire.