Catégorie : Pensées
L’armée mexicaine [larmé mèksikèn]
[larmé mèksikèn] (loc. VIVA. ZAP.)
Dans un monde moderne où tout est parfaitement organisé avec un exercice vertueux de la compétence à chaque étage, le mot que nous allons étudier n’avait aucune chance de survie. C’est un bien grand dommage parce que j’ai une certaine tendresse pour lui. Mon côté révolutionnaire sans doute.
Comment on fait les bébés ? [kòmâ ô fè lé bébé ?]
[kòmâ ô fè lé bébé ?] (quest. exist. SEX.)
Pendant des centaines d’années, une question existentielle a taraudé des générations entières d’enfants tout juste sortis des langes de bébé Cadum.
Jeter son bonnet par dessus les moulins [Zeté sô bònè par desy lé mulê]
[Zeté sô bònè par desy lé mulê] (loc. verb. YOLO)
Rare ! Vous me direz « C’est le lot du suranné » et je vous rétorquerai « Certes mais celle-là si vous l’avez entendue depuis moins de trente ans c’est ma tournée ». Alors ? Personne ? Pourtant vous avez pu la croiser cette expression car elle renferme plusieurs significations, ce qui ajoute de la rareté à celle de son usage. Pour nous y attaquer enfourchez votre baudet, vous serez Sancho Panza, je monte sur ma Rossinante tel un Don Quichotte suranné.Jeter son bonnet par dessus les moulins est précisément ce que l’ingénieux hidalgo de la Mancha ne fit jamais. Ô grand jamais ce fou qui ne l’était qu’en apparence ne renonça alors qu’une société entière le poussait à renier ses raisons; et il eut bien raison. Mille fois Don Quichotte eut pu jeter son bonnet par dessus les moulins et déposer les armes, brûler toute sa bibliothèque et cesser de se croire chevalier. Mais jusqu’à sa mort (quand il aura cessé de lire) il aimera sa Dulcinée de Toboso.
Bien que le gentilhomme ait eu une large connaissance en la matière, ce n’est ni à lui ni à Cervantes que nous devons jeter son bonnet par dessus les moulins. Selon toute vraisemblance elle ne naîtra que deux siècles après l’épique chevauchée du tandem espagnol.
Si vous l’avez entendue il est possible que ce soit dans la voix grave et rassurante d’un papa conteur d’histoires du soir, couché dans votre lit bateau d’enfance, pelotonné entre la couette et l’oreiller, Doudou Lapin à portée de main. Souvenez vous de ces contes; les uns se terminaient par « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants »¹, et les autres, plus rares j’en conviens, se finissaient en « Je jetai mon bonnet par-dessus les moulins, et je ne sais ce que tout cela devint », phrase sibylline qui ouvrait la porte à d’autres histoires qui viendraient les nuits suivantes². Une version poétique du « Mais ceci est une autre histoire » en quelque sorte et surtout vierge du sceau commercial de l’épisode 2 « Il revient et il n’est pas content » que toute saga cinématographique moderne se doit de compter dans ses rangs. Mais ceci est une autre histoire.
Je vous le dévoilais dans mon introduction, jeter son bonnet par dessus les moulins possède plusieurs sens. Et plusieurs c’est au moins trois. Le troisième fait dans la bagatelle, vous vous en doutiez bien, le langage suranné finit toujours par se rouler dans les foins après deux acceptions sérieuses, on est en France tout de même³ ! Dans ce cas ci, jeter son bonnet par dessus les moulins concerne plutôt la donzelle, celle qui s’affranchit, celle qui découvre que faire sa Sophie n’est pas la plus juste conduite à tenir en ce bas monde où l’on a largement assez de quoi se mettre en peine. Les prudes nous racontent que le bonnet dont il est alors question est ce fichu qui cachait ses cheveux avant qu’elle ne laisse sa crinière blonde flotter au vent. Les coquins argumentent sur le bonnet de soutien gorge. Je ne les départagerai pas, chaque thèse aboutissant à la même conclusion.
Convaincus à présent de la surannéité de jeter son bonnet par dessus les moulins ? À moins que la troisième signification ne soit pas si lointaine et qu’elle vous fasse encore un peu siffler les oreilles…
¹Vous savez aujourd’hui que c’était une escroquerie. Et si vous ne le saviez pas, eh bien c’est fait désormais.
²Vous savez désormais que c’était la vérité puisqu’il y eut d’autres histoires.
³Pays qui inventa l’amour.
Tremper son biscuit [trâpé sô biskÿi]
[trâpé sô biskÿi] (gr. verb. NIQ.)
Je n’aime pas beaucoup ce suranné que voilà mais je voulais vous en parler. Je l’ai toujours trouvé un peu vulgaire et je vous ai déjà assez bassiné avec cette sombre face à la Nadine de Rothschild dont je ne peux me défaire malgré des années de trempage de croissant dans le café (je sais que c’est strictement interdit en public mais que voulez-vous il me faut bien quelques défauts), de coudes posés sur la table et de « va te faire empapaouter » lancés dans la circulation et ses affreux affres embouteillés.Béguin [béɡê]
[béɡê] (n. masc. AMOU.)
Vous le savez, le suranné aime la subtilité¹. Et celle du mot désormais inusité que nous allons appréhender tient tout autant au mot lui-même (évidemment) qu’au déterminant possessif susceptible de le précéder ou qu’à un article défini ou indéfini masculin qui peut aussi l’accompagner. Si tu n’aimes plus la grammaire depuis le CE1 tu vas souffrir l’ami.À tire-larigot [a tirlariɡo]
[a tirlariɡo] (loc. PAROXY.)
Si la France est le pays du bon vin il ne faut alors point s’étonner que nombre de nos expressions désormais surannées aient un rapport quelconque avec la Dive bouteille.
Cela dit nos ancêtres qui inventèrent cette langue qu’on ne parle plus ont dû un peu forcer sur la boutanche ou plutôt boire à tire-larigot comme on disait alors parce que des fois elle est complexe.
Opinel [ɔpinɛl]
[ɔpinɛl] (marq. dép. COUTEL.)
L‘Opinel n’est pas un objet comme les autres. C’est une idée de transmission, d’héritage, qui se cache derrière ce petit couteau savoyard inventé par Joseph Opinel en 1890 (hop, suranné).
Depuis les années 1800 on forge et on travaille dans l’atelier de taillanderie familial chez les Opinel et c’est ainsi qu’en 1897, Joseph a l’idée géniale de décliner en douze tailles un couteau dont il a imaginé la forme.
22 mars 2016 [vɛ̃t-dø maʁs dø mil sɛz]
Ceci n’est pas un mot suranné.