[sè le péru] (loc. verb. QUECHU.)
El Dorado. Mythique contrée d’Amérique du sud regorgeant d’or, bâtie sur les divagations fiévreuses d’un Francisco de Orellana parti à la conquête de l’empire Inca avec la famille Pizzaro et quelques autres humanistes, et qui n’aboutira pas à grand chose d’autre qu’au massacre des populations indigènes et à la création d’une expression continuant à colporter la légende dorée.
Comme l’or semble plus fascinant aux yeux des hommes que le respect de l’intégrité physique du premier bavasseur quechua venu, être (ou ne pas être) le Pérou se répandra dans la langue depuis ce lointain XVIᵉ siècle de conquêtes plus surement que la mémoire des Incas et de leur civilisation. Louons cependant au passage l’effort consenti par les créateurs de la série Les Mystérieuses Cités d’or¹, qui contait en ce début des années quatre-vingt aux jeunes téléspectateurs devenus entre temps de vieux cons surannés, les aventures d’Esteban, Zia, Tao et du perroquet Pichu, rappelant combien le métal jaune sait faire tourner les têtes et peut même aller jusqu’à les faire tomber si besoin est. Mais ceci est une autre histoire.
Être le Pérou, qui existe en version négative avec ne pas être le Pérou, est donc une locution à caractère exclamatif qui marque la surprise comparée à son poids en matière précieuse ou tout au moins rapportée à tel. Ce n’est pas le Pérou quand ça ne vaut pas son pesant de cacahuètes, c’est le Pérou quand on est au bout de la valeur d’une rétribution en général. Notons que c’est le Pérou est susceptible de comporter un caractère hautement ironique peu détectable par les algorithmes modernes et pouvant de ce fait induire en erreur toute tentative d’analyse boursière, créant en conséquence les conditions d’un échec retentissant pour qui investirait son pécule en actions d’une entreprise qualifiée de la sorte.
C’est le Pérou ou ce n’est pas le Pérou est extrêmement complexe à manier, cachant en permanence sous sa formulation affirmative ou négative un petit air de déception, une réticence. Ne vous risquez pas à son utilisation, sauf si vous êtes un vieux con suranné certifié.
Les émoluments mensuels de la sueur et de la peine sont rarement le Pérou, le salaire de la peur n’est jamais le Pérou, et aucune proposition soupesée à l’aune de sa valeur aurifère ne peut l’être puisque seul l’intérêt guide celui qui vous la fait.
Être ou ne pas être le Pérou s’est réfugié très loin là-haut dans le cordillère des Andes, ce jour où le dernier des doux rêveurs a exigé sa part d’espérance et qu’on l’a convaincu qu’il en demandait déjà trop. L’impudent !
Peut-être croyait-il à l’El Dorado le coquin.