[yn Salër a tôdre lé pul] (exp. pays. COTCOT.)
Été 1976. 40° à Arcachon. Idem à l’île d’Oléron. La côte d’Azur est hors concours. Même dans les régions de France habituellement tempérées, le soleil darde ses implacables rayons. On se baigne en Bretagne¹ !
« Quelle chaleur » n’est pas la complainte la plus partagée, tout simplement parce qu’en 1976 on est en pleine année surannée; il se dit alors communément pour communier autour de ce four qui nous entoure qu’il fait une chaleur à tondre les poules.
Expression évidemment issue du monde rural et non de celui de Pigalle, une chaleur à tondre les poules vise à rendre compte de conditions de températures extrêmes qui pourraient engendrer la prise de mesures tellement exceptionnelles qu’elles en paraîtraient amusantes.
C’est d’ailleurs une mesure amusante que prendra le président de la République d’alors, majorant de 10% l’impôt sur le revenu afin de faire baisser la température. Son premier ministre, ne partageant pas son sens de l’humour, démissionnera et on connaît la suite qui est cependant une toute autre histoire.
Si votre unique contact gallinacé se fait annuellement au salon de l’agriculture, vous apprendrez ici que la poule, ne possédant pas de glandes sudoripares, se protège de la chaleur en haletant pour faire circuler l’air. Au dessus de 30° elle n’est plus en mesure de pondre et quelques degrés supplémentaires peuvent lui être fatals. Il apparaît alors comme vital de lui donner un peu d’air, fut-ce en allant jusqu’à la tondre.
Même si la basse-cour et la ferme ne vous sont guère familières, vous aurez bien noté le caractère iconoclaste de verbe renforçant le comique de situation, la tonte étant réservée au mouton à qui on mange la laine sur le dos, alors qu’il est de coutume de plumer la poule (ou l’oie).
L’été 1976 et sa chaleur à tondre les poules auront des conséquences à tous niveaux sur la société française. La sécheresse coûtera un demi point de croissance au pays et quatre milliards de francs au contribuable, plus de 100 000 hectares partiront en fumée (soit 1,33 % de la forêt française), et elle inspirera Jean Αlbertini, dit Jean-François Maurice, producteur, parolier et chanteur français qui mettra tout de même deux années pour sortir dans les bacs un 45T qui aurait pu s’intituler « Une chaleur à tondre les poules » mais se contentera d’un plus sobre « 28 degrés à l’ombre ».
Je l’achèterai pour sa pochette² (vous référer à votre moteur de recherche préféré si votre mémoire est incertaine) tout autant que pour ses paroles hommages.
🎶Monaco,
28 degrés à l’ombre
Tu ne dis plus un mot
J’éteins ma cigarette, il fait encore plus chaud
Tes lèvres ont le goût d’un fruit sauvage
Et voilà,
Comme une vague blonde
Tu m’emportes déjà🎶
C’est la canicule de 2003, meurtrière pour nos aînés par essence surannés, qui fera taire définitivement une chaleur à tondre les poules. Les ancêtres abandonnés dans la fournaise ou trop faibles pour résister ne diront plus ces mots.
Et Jean-François Maurice sera lui aussi oublié.