[Sâté kòm ê ròsiNòl darkadi] (exp. music. AH JE RIS.)
De la famille des muscicapidae, le rossignol est un oiseau migrateur caractérisé par un plumage brun roux et gris brunâtre, par un fin bec brun, et surtout par un chant des plus plaisants, sachant jouer des harmonies et moduler sur tous les tons.
Qu’il soit rossignol à flancs roux, philomèle, progné, des murailles (aussi connu sous le nom de Rouge-queue noir), rossignol châtaignier ou des rivières, voire Milanais¹, le rossignol est le ténor de nos jardins.
De son côté Αρκαδία, l’Arcadie comme on dit ici, est une région de la Grèce située au centre de la péninsule du Péloponnèse et sa réputation animalière se porte plus du côté de l’âne, que l’on dit d’ailleurs d’Arcadie, que de celui du rossignol. Est-ce le délicieux hi-han, ce braiment repoussant pour l’ouïe qui affecta l’Arcadie comme une marque infâme et devient ce faisant le qualificatif de tout refrain déraillant ? Pas si sûr…
Une fois de plus c’est à un glissement d’une proximité sonore et à l’inventivité de la parole surannée que l’on doit l’expression chanter comme un rossignol d’Arcadie. Au commencement, donc, était l’âne d’Arcadie. Paisible, le baudet que l’on dit aussi roussin depuis le Moyen-Âge, se livrait débonnaire à ses activités préférées (ne rien faire si on ne lui demande rien) dans ces montagnes où serait né le bon vieux Zeus (sur le mont Lycée pour être précis) et où bergères et bergers passaient le temps en chantonnant².
Roussin devint un jour rossignol. N’en demandez pas plus à cette docte encyclopédie qui en fait déjà beaucoup, roussin devint rossignol et puis c’est tout. Confondre un âne avec un oiseau relève de l’abus de champignons hallucinogènes, nous en conviendrons, mais c’est ainsi, la langue a ses folies. Dès cet instant s’installa chanter comme un rossignol d’Arcadie en hommage vraisemblable aux ânes du même endroit brayant à qui mieux mieux. Et comme en chacun sommeille un chanteur d’opérette ou de variet’, chanter comme un rossignol d’Arcadie prit son envol au fur et à mesure des mêmes mesures abîmées.
De concerts de salle de bain en festivals de chants itinérants, de radio-crochets en mièvreries gravées sur du vinyle, chanter comme un rossignol d’Arcadie devint incontournable tant le La donné ressemblait trop souvent à un Si, à un Sol ou à rien. Et l’expression avait toute vocation à perdurer jusqu’au temps moderne des supercheries télévisées faisant passer des vessies pour des lanternes et des ânes pour des rossignols.
En 1997, Antares Audio Technologies créa Auto-Tune. Un logiciel qui est à la voix juste ce que Photoshop® est à la beauté plastique. Un mensonge, une trahison. Dès lors chaque cover girl y alla de son single³, chaque beau gosse de service se produisit on stage, obligeant le rossignol d’Arcadie à retourner siffler là-haut sur la colline (avec un petit bouquet d’églantine).
L’oiseau ne s’en porte pas plus mal et l’âne s’en tamponne le coquillard. Seule la chanson y a laissé des plumes.