[Sapo lartist] (loc. exclam. COMPLIM.)
Longtemps avant que ne soient célébrés en chanson les Bretons et leurs chapeaux ronds, le chef était-il couvert afin de le protéger du soleil, des intempéries ou des mauvais coups toujours ennuyeux à prendre dessus.
Pétase de paille pour les Grecs antiques, pileus de feutre pour les Romains et les Schtroumpfs, Stetson aux bords courbés pour les cow-boys se ruant vers l’or : le chapeau est sur la tête de tout bonhomme depuis la nuit des temps.
Au XVIe siècle les femmes commencent à s’en couvrir et un siècle plus tard la mode s’en empare pour l’en faire accessoire; chapeau l’artiste prend alors de la consistance, s’installant sur l’ample geste de politesse qui consiste à s’en défaire pour saluer aussi bien une connaissance qu’une belle performance (à l’exception des Schtroumpfs qui n’ôtent jamais leur bonnet, mais ceci est une autre histoire).
S’il est totalement inutile de souligner de la parole ce révérencieux découvert cranio-céphalique (le geste se suffit à lui-même), c’est en des circonstances où l’on n’est pas chapeauté que prononcer chapeau l’artiste devient utile.
Au théâtre évidemment, attablé au restaurant ou encore lorsque passe l’omnibus à crôni. Dans ces trois cas l’on pourra louer le jeu, féliciter le maître queux ou saluer le trépassé avec un chapeau l’artiste respectueux.
Une inutile querelle entre la discrète bourgeoisie de haut-de-forme et le petit peuple en béret confèrera à chapeau l’artiste un ton gouailleur, presque moqueur, sans que l’on puisse véritablement en expliquer le pourquoi. De distinguée la salutation deviendra plus piquante, trouvant dans les soliloques de comptoir et les discussions de tiercé le cadre de son plein épanouissement.
Ainsi les performances de Bellino II au prix d’Amérique seront-elles copieusement saluées d’un tonitruant chapeau l’artiste, tout comme un plus sophistiqué mais tout autant triomphant l’ai-je bien descendu de Cécile Sorel. Chapeau l’artiste est masculin et féminin.
À l’aube de la modernité, l’abandon par la police nationale du chapeau, du bicorne, du képi et de tout ce qui reposait sur le chef au profit d’une casquette singeant celle du premier joueur de base-ball venu mit le feu aux poudres.
Le chapeau tomba si bas dans la hiérarchie de l’indispensable que personne ne le ramassa.
Chapeau l’artiste devint expression surannée dans la foulée, pas même remplacée par un casquette l’artiste qui n’aurait, quoi qu’il en soit, pas survécu au moindre wesh laudatif ou à « trop bien » comme superlatif.